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Le racisme, parfois silencieux, toujours frappant

Orientation & Cie
Photo: Métro

Les circonstances de l’homicide de l’Afro-Américain Georges Floyd soulèvent les débats sur la présence du racisme systémique au Québec. Mais la violence physique n’est qu’une des manifestations frappantes du racisme.

Pour aborder une question aussi sensible, j’ai invité Sabruna Dorceus, professeure-chercheure et conseillère d’orientation, à corédiger cette chronique avec moi. Soulignons d’abord qu’il apparaît évident que l’on comprend mal ce que signifie le terme «systémique», qui semble être souvent confondu avec «systématique». Une meilleure compréhension est donc essentielle à la reconnaissance du phénomène.

Au-delà des manifestations individuelles du racisme, qu’elles soient flagrantes ou subtiles, il est primordial de reconnaître aussi sa dimension systémique. Entre autres basée sur des stéréotypes et des préjugés, souvent inconscients, et des pratiques discriminatoires, bien souvent involontaires, «cette forme de racisme a pour effet de perpétuer les inégalités vécues par les personnes racisées notamment en matière d’éducation, de revenus, d’emploi, d’accès au logement et aux divers services publics» (IRIS). Ainsi, le racisme systémique ne se limite pas à des faits anecdotiques, il renvoie à sa dimension sociale ou collective, qui entraîne des conséquences dommageables pour les personnes concernées.

Préférences discriminatoires

En 2012, le sociologue Paul Eid a mené une étude (CDPDJ) dans le grand Montréal afin de mesurer la discrimination à l’embauche subie par les minorités racisées. L’envoi de paires de CV fictifs, équivalents – à l’exception du nom –, en réponse à de réelles offres d’emploi a permis de montrer qu’à «profil et à qualifications égales, un Tremblay ou un Bélanger a au moins 60% plus de chances d’être invité à un entretien d’embauche qu’un Sanchez, un Ben Saïd ou un Traoré, et qu’environ une fois sur trois (35%), ces derniers risquent d’avoir été ignorés par l’employeur sur une base discriminatoire».

Cette étude démontre que les difficultés d’insertion en emploi de certains groupes ethniques et racisés tiennent en partie aux préférences discriminatoires des employeurs, qui, souvent inconsciemment, recherchent des «personnes qui leur ressemblent». La discrimination à l’embauche basée sur l’origine ethnique a également été observée dans la ville de Québec, dans le cadre d’une étude similaire.

Pour nous conscientiser davantage, il est nécessaire de nous ouvrir à des discussions inconfortables.

Comment réussir à bien s’intégrer dans le marché du travail si l’on est déjà désavantagé sur la simple base de son nom? Et qu’en est-il pour les jeunes qui sont aux études, dont l’identité est en pleine construction? Questionnés à ce sujet dans le documentaire Briser le code (instigué et narré par l’entrepreneur social et chroniqueur Fabrice Vil), des jeunes racisés et des jeunes autochtones y affirment que leur besoin de «faire partie du groupe» et d’être acceptés les amène parfois à dissimuler ou même à renier leurs origines et leur culture.

Comment ces jeunes personnes peuvent-elles arriver à se forger un projet de vie qui leur ressemble si elles ne se sentent pas autorisées à être qui elles sont réellement?

Avant même de penser à des actions rapides, il faut d’abord qu’en tant que collectivité nous reconnaissions le fait que le racisme systémique existe au Québec. Il faut aussi éviter de minimiser sa gravité, par exemple en le réduisant à sa nature parfois involontaire ou en comparant le contexte du Québec à celui des États-Unis. Pour être en mesure de reconnaître les manifestations du racisme sous toutes ses formes, et les dénoncer, il faut s’informer, individuellement et collectivement.

Cette action collective commence par nos gouvernements, qui doivent aller au-delà de l’intention de produire un plan de lutte contre le racisme et la discrimination. Comme société civile, comme employeurs, comme collègues de travail et d’études, prenons conscience de nos biais, observons nos comportements et soyons à l’écoute des personnes victimes de discrimination. Nous sommes partie prenante de ce système. Nous avons donc le pouvoir d’en changer les codes.

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