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Oui, l’avortement est aussi un enjeu québécois

Récemment, un chroniqueur bien de chez nous soutenait qu’il était tout à fait inutile de nous émouvoir de la récente décision de la Cour suprême des États-Unis de renverser le jugement Roe c. Wade, puisqu’il s’agirait d’un enjeu américain et que le droit à l’avortement serait complètement sauf au Québec.

J’ai aussi lu récemment qu’aux États-Unis, on craint que les applications de suivi menstruel soient utilisées pour déposer des accusations pour avortements. (Les juges savent-ils que nous entrons manuellement ces données… Ou sont-ils assez mal informés sur nos corps pour croire que nos téléphones sont directement connectés à nos utérus?)

Bref, j’aurais pu me contenter de rire dans ma barbe à la lecture d’une énième opinion d’homme cisgenre sur l’avortement, mais je préfère en profiter pour rappeler ici toutes les raisons qui font que l’avortement EST un enjeu important au Québec, ne serait-ce que parce que l’accès à l’avortement au Québec est intimement lié à celui de nos voisins.

Jusqu’à la pandémie, les interruptions volontaires de grossesse tardive – à partir de la 23e semaine – devaient se faire aux États-Unis puisque les services n’étaient pas offerts au Québec. Des femmes incapables de traverser la frontière devaient mener leur grossesse à terme. La pandémie a forcé le réseau de la santé à trouver des médecins capables d’offrir ces services au Québec. Depuis, on en compterait huit, révélait le Journal de Montréal. Donc oui, les restrictions à l’avortement aux États-Unis peuvent avoir des conséquences directes sur notre accès à l’avortement.

Chez nous, des médecins pratiquant des interruptions volontaires de grossesse se font intimider ou reçoivent des menaces de mort. Des femmes continuent d’être humiliées à l’entrée des cliniques. Ce climat réduit le nombre de médecins qui acceptent de pratiquer de telles interventions.

Chez nous, des militants antiavortement profitent du renversement de Roe c. Wade pour distribuer dans les boîtes aux lettres de plusieurs Montréalais des tracts appelant à «mettre fin à la violation des droits humains» que serait, selon eux, l’avortement. Il n’y a pas de hasard: il n’y a que de la misogynie décomplexée.

Chez nous, des médias sérieux continuent d’utiliser l’expression «pro-vie» pour parler des militants antiavortement, comme s’il s’agissait d’un terme tout à fait neutre et non pas d’une très habile stratégie marketing de la part de ceux qui disent maintenant tout aussi habilement militer pour «une réforme bioéthique».

Chez nous, un candidat antiavortement se présente aux élections et on nous dit que ce sera aux électeurs de décider. Chez nous, l’accès à l’avortement est loin d’être égal dans toutes les régions du Québec.

Chez nous, un chroniqueur conservateur se permet de faire la leçon aux personnes s’offensant d’une décision de la Cour suprême des États-Unis sans jamais avoir à porter le fardeau d’une telle décision, sans jamais ressentir dans son corps la lourdeur d’une telle décision, le poids d’une chape de plomb qui s’abat sur nous. Parce que même si les droits reproductifs sont mieux respectés au Québec, les droits qu’on retire aux Américaines aujourd’hui nous rappellent qu’on pourra toujours traiter les femmes, les minorités sexuelles et de genre et les personnes racisées dont les droits sont aussi menacés par cette décision comme des personnes de seconde zone.

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