Cynique comme un caquiste
CHRONIQUE – Confession hasardeuse: j’ai des amis – ou plutôt en ai-je eu – ayant fait le saut à la Coalition avenir Québec. La plupart tout juste après sa victoire de 2018, où ils sont embauchés en cabinet. Ainsi passés, l’espace d’une élection, d’ardents souverainistes à… on ne sait trop.
Dans plusieurs convos subséquentes avec l’un ou l’autre de ces potes, force est de constater l’indubitable: gérer le Québec, OK, mais comment? Par quelles lignes directrices? Sous quels fondements? Quels paradigmes?
Dit autrement: hormis la personnalité de Legault, sur quoi repose la CAQ, au fait? Une fois le départ du chef, quid de la suite?
Une seule hypothèse se sort la tête de l’eau: celle de la propension, à tout crin, au pouvoir. Quitte à renier convictions d’antan. À insulter le rationnel et refuser l’empirisme. À préférer l’abrutissement collectif à la quête du bien public.
L’outil de prédilection afférent? Le sondage temps plein.
Rien de mal, on s’entend bien, à ce qu’un gouvernement souhaite demeurer au pouvoir. Rien de mal non plus, il va de soi, à vouloir assurer la satisfaction citoyenne.
Reste, par contre, que cette obsession de l’approbation populaire revêt quelques limites. Quand, par exemple, seule celle-ci dicte l’adoption de nos politiques.
Le populisme, dixit le Dictionnaire de Cambridge, se conçoit ainsi: «Political ideas and activities that are intended to get the support of ordinary people by giving them what they want.»
Voilà, en quelques mots, le socle unilatéral de l’éditorial caquiste: faire plaisir à la «majorité». La rassurer, également. Confirmer ses biais. Plutôt que d’élever le débat, abaisser ce dernier à celui des plus bas instincts, frictionnant au passage leurs stimulus.
Les illustrations, malheureusement, pullulent.
Tu veux un chèque de 500 $ pour contrer les effets de l’inflation [sic]? OK!
T’en veux un autre? OK!
P.-S. Mais juste si tu votes pour nous autres.
Tu veux un Troisième Lien, même si les études démontrent que ceci va augmenter, et non réduire le trafic, et même si on rajoutera plus de 50 000 chars au quotidien sur nos routes? OK!
Tu ne veux pas te faire dire que le racisme systémique existe au Québec aussi, même si tous les rapports le confirment? OK!
Tu veux que les policiers continuent à arrêter arbitrairement, donc sans motif valable, les races? OK!
Tu penses que 80% des immigrants ne parlent pas français, refusent nos valeurs et ne travaillent pas? OK!
Tu penses qu’il y a un lien entre immigration et violence? OK!
Tu penses que c’est la faute des Attikameks si l’enjeu du racisme envers les Autochtones n’est pas réglé? OK!
Tu te fiches que Québec ait le pire score pandémique, côté mortalité? Good!
P.-S. On en profitera alors pour refuser une commission d’enquête indépendante, et on offrira un standing ovation à la ministre responsable du déluge des CHSLD.
Tu penses que c’est aux citoyens de décider si c’est correct, pour la Fonderie Horne, de poser des dangers pour la santé publique? OK!
Tu te fiches que notre gouvernement détourne les 440 millions reçus d’Ottawa pour ventiler nos écoles à une autre fin, genre en se payant des sondages Léger? Tant mieux!
Tu veux plus de privé en santé? OK!
Tu te fous que le patrimoine immobilier québécois – notamment des maisons ou institutions ancestrales – soit démoli pour construire des condos en carton? Cool!
Tu te contre-tapes que des minières dumpent leurs saloperies dans nos cours d’eau? Parfait!
Tu crois que la seule menace au français relève des immigrants et non de notre 50% d’analphabètes fonctionnels? OK!
Alors que Coluche soulignait, à juste titre, que «ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison», le dirigeant caquiste, lui, y voit une occasion d’affaires.
Cynique.
AF.