Étudiants en temps de pandémie : comment organiser un événement multidisciplinaire sans jamais se voir?
Deux étudiants au doctorat à l’UQAM et un chercheur affilié à l’Université McGill ont organisé un symposium virtuel pour parler des défis de l’enseignement virtuel en temps de pandémie…
Par Arnaud Francioni, McGill University; Alexia Pilon Diabaté, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Fèmy Fagla, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Les mesures de confinement nous ont tous forcés à opérer un passage total vers le numérique. Et cela a été spectaculaire dans le milieu de l’enseignement universitaire.
Voilà pourquoi nous avons senti le besoin d’organiser un événement virtuel afin d’interroger, justement, les conséquences de ce passage massif au virtuel et tous les bouleversements qui en ont découlé.
Notre collectif, composé de deux étudiants au doctorat de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et d’un chercheur à l’Institut Lady Davis, affiliée à l’Université McGill, a ainsi mobilisé des acteurs de milieux variés par le biais d’une initiative spontanée. Cet évènement, qui a eu lieu en début de novembre 2020, était intitulé « Interroger les (més)adaptations occasionnées ou engendrées par la Covid-19 » et il a mis à l’avant-scène les expériences pratiques et académiques vécues depuis le début de la pandémie.
Voici un retour réflexif sur l’organisation et la tenue de ce symposium étudiant.
Une organisation et un évènement 100 % à distance
Le symposium est né en dehors du cadre institutionnel universitaire habituel, puisque nous sommes à la fois chercheurs, praticiens et étudiants.
Nous nous sommes rencontrés en ligne dès juin 2020 à maintes reprises pour discuter des besoins actuels vécus par des milieux tels que la santé, la recherche, le monde communautaire, le tourisme, l’enseignement supérieur, le monde des affaires, etc.
Nous provenons de diverses filières universitaires (communication, études urbaines, santé) et nous nous sommes rencontrés par une série de circonstances. Notre grande diversité nous a permis de poser un regard croisé. Étant novices en matière d’événementiel, nous avons grandement bénéficié de conseils de professeurs de notre entourage.
L’événement a été un succès : nous avons pu rassembler à la fois des étudiants, des professeurs et des professionnels autour d’une même table, le tout entièrement organisé à distance. Chaque panel a rassemblé de 10 à 30 participants qui ont pu écouter, se lier et poser des questions à des personnes d’horizons très divers dans un contexte d’isolement sanitaire strict.
La réussite de cet évènement est aussi attribuable au fait que nous avons obtenu le soutien de professeurs et d’acteurs institutionnels qui ont légitimé notre initiative (Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, Observatoire International de l’aéronautique, Service des bibliothèques de l’UQAM, le projet UniD, etc.). Cette possibilité de création d’un évènement à la fois indépendant et soutenu par le corps professoral et par les outils de promotions de l’université a été d’ailleurs l’un des grands apprentissages dans l’organisation de ce symposium.
Nous n’avons cependant pas été en mesure de convaincre tous les partenaires que nous avions visé, car il a été difficile de défendre à la fois la pertinence de nos intentions, la volonté de faire parler du symposium et notre indépendance. Nous voulions conserver le caractère spontané de l’évènement en laissant la chance à tout le monde d’avoir une voix. Nous ne voulions pas, par exemple, nous faire imposer un certain angle dans les panels ni leur composition.
Nous avons recruté nos panélistes grâce au bouche-à-oreille, en contactant des professeurs, des entrepreneurs, des étudiants et des professionnels de milieux avec lesquels nous avions des contacts.
Un arbre à problèmes
Nos invités étant issus de cadres disciplinaires et théoriques très variés, l’idée était de laisser foisonner les idées. Pour susciter les échanges et les débats entre les panélistes, cinq thèmes généraux ont été dégagés :
1) Enseignement et soutien aux étudiants
2) Service communautaire et système de santé
3) Recherche et activités scientifiques
4) Territoire, information et risque et finalement
Nous avons tenté d’illustrer les liens entre les expertises, les thèmes des panels et les questionnements.
Nous l’avons fait à travers un arbre à problèmes reliant les axes transversaux (comme un tronc) et le côté spécifique à chaque thème (comme des racines liées au tronc). Nous avons aussi matérialisé les ramifications et les sous-questions (ramifications finales de l’arbre) qui seraient vraiment efficaces pour créer de l’intérêt, offrir des possibilités d’échange et mettre en avant les différences disciplinaires par le croisement d’idées et d’observations.
Pour l’animation, à la suite des recommandations de notre entourage académique et de certains panélistes, nous avons tardivement opté pour une formule de panels plus originale. En conduisant les échanges à la manière d’un panel télévisé (questions ouvertes courtes, discussions spontanées entre les panélistes), nous avons favorisé des discussions.
La voix des étudiants
Nous avons cru important de dédier un panel entier à la voix des étudiants, puisqu’ils se trouvaient au cœur même de notre initiative.
Étant nous-mêmes étudiants ou ayant gradué très récemment, nous expérimentions aussi des difficultés et la nécessité de devoir nous adapter aux restrictions sanitaires. Les étudiants représentent un groupe très affecté par la pandémie et il nous semblait donc pertinent et nécessaire de leur permettre de témoigner de ce qu’ils vivaient.
La tenue de cet événement avait comme objectif de favoriser les rencontres afin de parler de ce sentiment d’isolement vécu par les étudiants. D’ailleurs, les panélistes étudiants ont exprimé leur appréciation d’une telle rencontre et ont témoigné de l’importance des espaces d’échange comme celui-ci, même s’ils sont virtuels. Ils permettent de partager leurs expériences et brisent l’isolement.
Lors du panel étudiant, il est ressorti que l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) est limité à la fois par la barrière liée à leurs coûts et à certains autres facteurs tels que des situations de handicaps.
Que retenir pour la suite ?
La création de cet événement conçu virtuellement nous démontre qu’il est à la fois possible de casser certaines barrières physiques et institutionnelles et de mobiliser un grand nombre d’expertises au sein d’un même évènement.
Nous croyons que la réussite de cette démarche de travail a été possible grâce à la diversité de nos expériences en tant qu’organisateurs et de la mise en commun de nos appartenances disciplinaires. Cet événement a été l’occasion pour les acteurs de ce symposium de représenter l’institution à laquelle ils sont rattachés. Les partenariats avec les associations, les organisations ou les services de l’université sont directement rattachés à l’initiative des panélistes, non pas à un accord de coopération officiel avec les institutions.
Les échanges et les apprentissages qui sont ressortis ont été fructueux et chacun de nous a pu sortir de sa zone de confort et explorer le croisement bénéfique des idées des uns et des autres. La diversité des perspectives a été le moteur de réussite de ce symposium. Cette démarche pourrait être reprise et servir de modèle dans le développement d’initiatives étudiantes futures, et ce, même dans un avenir post-pandémique.
Toutefois nous sommes critiques du mode d’enseignement et de conduite des activités académiques exclusivement en ligne que forcent les restrictions sanitaires. Les étudiants constituent un groupe hétérogène d’individus aux capacités physiques et aux ressources matérielles et financières extrêmement variées. Il ne nous semble pas que le mode virtuel actuel permette un accès équivalent au mode présentiel, autant sur le plan pédagogique que des opportunités de rencontres spontanées et de socialisation qu’offre normalement le parcours académique.
Arnaud Francioni, Research Assistant, McGill University; Alexia Pilon Diabaté, BscN, M.A., Doctorante en santé et société, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Fèmy Fagla, M. Urb., Doctorant en études urbaines, Université du Québec à Montréal (UQAM)
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.