Pourquoi un évènement tech doit-il avoir un code de conduite?
Embarquer dans un bateau où il n’y aurait pas de gilet de sauvetage, ça vous dit? Participer à un grand événement sans code de conduite, c’est la même chose.
À l’heure actuelle, il y a plusieurs évènements qui ont adopté des codes de conduite au Québec, tels que WAQ, HackFest, StartupFest, Nsec, Lesbians Who Tech, DEF CON ou même SXSW.
Et il y en a plusieurs autres qui n’en ont pas, comme le Consumer Electronic Show (CES), cet événement qui s’est déroulé du 9 au 12 janvier à Las Vegas et qui est très couru. D’après le site internet du CES, il s’agit du «rassemblement mondial pour tous ceux qui prospèrent dans le domaine des technologies grand public». C’est un incontournable en tech et il n’a pas code de conduite : ça me choque en 2018!
Au cours du CES, il n’y avait pas non plus de femmes qui ont pris la parole pendant les sessions de keynote. Ce sont toujours des personnes connues qui discourent pendant ces activités qui entrecoupent un grand événement. Les organisateurs du CES avaient pourtant dit vouloir une édition 2018 plus inclusive, même si l’auditoire est largement masculine. Dans les faits, des femmes sont uniquement présentes pour «mettre en avant les produits», si l’on peut dire. Il y a vraiment de quoi être surpris qu’un évènement de cette ampleur n’ait pas de code de conduite, alors que cette pratique devient de plus en plus standard dans l’industrie. Karen Chupka, qui a supervisé le CES de cette année, a affirmé en entrevue à Reuter que ce n’était pas «nécessaire» d’avoir un code de conduite «parce que nous supposons que tout le monde saura se comporter aussi bien qu’au bureau.»
Eh boy! On part de loin! Oui, c’est important d’avoir un code de conduite!
Certaines personnes refusent carrément d’aller aux évènements sans code de conduite parce qu’elles ne se sentent pas en sécurité puisque des sujets polémiques y sont abordés. Elle veulent s’assurer qu’il y a un plan en cas de problème et que ce n’est pas sur le vif, en plein dans une crise, que des décisions vont être prises.
Les codes de conduite visent à reconnaître nos propres limites. Il s’agit de prendre conscience que tout le monde n’est pas comme nous et que notre perception du monde est limitée. Un code de conduite est vraiment précieux, car il aide à défendre nos valeurs partagées et à montrer que nous nous soucions des autres humains dans un espace donné. En créant un code de conduite, vous donnez un signal clair à toute personne qui a été blessée ou harcelée, en ligne ou hors-ligne, que votre espace est sans danger pour eux et que vous avez pris en compte leurs besoins et leur existence.
Pour ma part, je veux savoir que les organisateurs ont conscience que les choses peuvent déraper et qu’ils ne le toléreront pas. Ne pas avoir de code de conduite pour un évènement majeur, alors que son influence est grande, ça revient à envoyer un signal à l’industrie que l’inclusion et la diversité ne sont pas importants dans les faits.
Si vous trouvez regrettable qu’il n’y a pas assez de femmes et de personnes issues de minorités visibles dans vos évènements, sachez qu’en affichant un code de conduite, vous augmentez vos chances de les attirer. Parce que ces personnes sont les plus à mêmes d’être victimes de harcèlement.
L’auteur Dan Sinker compare l’existence d’un code de conduite à la présence d’un pompier pendant un événement. Vous ne le faites pas parce que vous vous attendez à un incendie. Vous le faites parce que vous pourriez avoir un feu. Il serait donc irresponsable de ne pas avoir de plan de sécurité incendie. De la même façon, l’affichage d’un code de conduite n’implique pas que votre communauté soit victime de harcèlement ou qu’elle soit constituée de personnes mal intentionnées. Il permet de reconnaître l’existence de ces problèmes et la possibilité que les pires scénarios puissent se produire. Également, en tant qu’organisateur, vous devez anticiper les pires scénarios.
Après avoir a été secouée par plusieurs scandales en 2017 – Uber, le mémo sexiste de Google, les inconduites d’investisseurs de la Silicon Valley et autres –, l’industrie tech se doit de faire des efforts visibles afin de prendre position contre ces comportements déplorables.