Une journée dans la vie d’un Québécois chez Twitter
Sylvain Carle rêve d’être le Hubert Reeves du cyberespace. À l’instar du grand vulgarisateur scientifique, il cherche, creuse, lit, accumule, partage, contribue, pense, réseaute, écoute et surtout, tweete.
Niché tout en haut de l’immeuble Art déco de Twitter, au cœur de San Francisco, l’évangéliste techno roucoule de plaisir dans sa barbe.
Mais attention, pour ce Montréalais, né à Rimouski et à l’emploi du site de microblogage depuis un an, les nouvelles technologies de l’information n’ont de véritables valeurs que si elles «transforment toute la société, de l’éducation à la démocratie, en passant par l’économie».
Pionnier de la première heure de la techno au Québec, Carle, 41 ans, ne considère pas les NTI comme de simples outils. La concision et l’immédiateté de Twitter permettent, par exemple, un plus grand partage de l’information entre les journalistes et les citoyens de la cité. «La bibitte est en quelque sorte devenue une agence de presse mondiale, affirme-t-il. Un système d’alerte planétaire. Quand ça va mal quelque part, ça va bien pour le réseau social, qui polarise alors les conversations, les débats. Twitter est en feu!»
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«Par temps normal», un demi-milliard de gazouillis se font «entendre» chaque jour. De la musique aux oreilles de Sylvain Carle, qui nous fait partager une journée dans sa vie…
Une journée dans la vie de Sylvain Carl
Le réveil
Dès que la musique du réveille-matin le tire de son sommeil, Sylvain Carle se tourne vers son iPhone sur la table de nuit. Combien a-t-il encore eu de courriels pendant qu’il était dans les bras de Morphée? Il vérifiera plus tard. Il effleure l’épaule de son épouse. Prend une douche rapide. Saute sur son vélo. Pédale une quinzaine de minutes, non loin du Golden Gate Park.
Il prend son petit déjeuner au 1355 Market Street, le siège social de Twitter, à San Francisco. Lance, tweete déjà. Il vine ses recettes. C’est le chef cuisinier de l’immense cafétéria aux produits bio, gratuits pour les 1 000 employés de Larry, le petit oiseau bleu, logo de la compagnie, nommé ainsi en hommage au joueur de basket-ball Larry Bird, le grand rival blanc de Magic Johnson dans la NBA. Carle prend un café et un bagel en rêvant à celui de la rue Saint-Viateur, à Montréal.
Il ouvre son portable. 104 courriels. «Pas mal! Tout ce dont j’ai besoin est quelque part sur le réseau. Ma vie, c’est une série de fenêtres sur l’internet avec des dizaines d’onglets. Chrome, Firefox et Safari sont ouverts en permanence.» Son logiciel de gestion de calendrier iCal lui signale quelques meetings, de nombreux appels. «Un développeur en Australie, premier appel Skype, il est tard pour lui et tôt pour moi. Un deuxième appel avec un partenaire qui développe une intégration avec l’API publicitaire de Twitter (c’est sur ça que je travaille depuis quelques mois).»
Il est déjà 10h30. «Il me semble que je n’ai pas vraiment encore commencé ce que je voulais faire aujourd’hui…»
C’est l’heure du standup. «Je travaille avec une équipe de 10-15 ingénieurs. La moitié des ingénieurs senior de notre équipe sont des femmes, c’est assez rare dans l’industrie, on en est assez fiers.»
Retour à la cafétéria. «Quatre ou cinq choix de plats plus délicieux les uns que les autres, produits frais, locaux, bio, équitables. On est en Californie après tout!» Plutôt rondelet, Carle livre une bataille de tous les jours contre le terrible «Twitter Twenty».
«C’est le 20 livres que certains ont pris avec toute cette fameuse bouffe. Je pense que c’est mon cas…» Heureusement qu’il y a le vélo. Le retour à la maison se fait en remontant les côtes. San Francisco est loin d’être une ville plate!
De 14 h à 16 h, Sylvain Carle plonge dans l’écriture en écoutant Good Times, Bad Times, de Led Zepellin. «J’écris un plan stratégique pour améliorer la manière dont on gère le développement des nouvelles fonctionnalités, les relations avec les partenaires et nos processus d’opérations du Ads API. Ce sera un document assez concis, une page ou deux, de haut niveau, avec des points d’action. Pas de discours ou de théories ici, tout va vite, on va à l’essentiel, no bullshit.»
De 16 h à 18 h, il, blogue, twitte, fait une petite pause Facebook de cinq minutes.
«J’ai traité 200 courriels aujourd’hui. Répondu à 65, archivé ou jeté un autre paquet, et il m’en reste une vingtaine auxquels j’aurais voulu répondre. Au début ça me stressait, je voulais répondre à tout, mais c’est impossible. Le volume entrant et l’intérêt envers Twitter est tellement grand qu’il faut apprendre à prioriser, décider, répondre rapidement et, malheureusement aussi, en laisser aller une partie. Si c’est vraiment important, ça va revenir…»
Ce qui est important à présent, c’est de pédaler vers la maison.
18h30. «Ça sent bon! Ma blonde a préparé un bon souper!» Il l’embrasse, lui dit qu’il l’aime. «Je lui dis ça souvent !» Ils attendent un premier enfant cette année.
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Sylvain Carle vu par…
«Il est forcément identitaire donc nationaliste, égalitaire donc solidaire, hyperconnecté donc spirituel. Il est évidemment abordable et peut converser avec vous dans tous les langages universels de ses réseaux : la programmation, certes, mais aussi la bière, les données ouvertes, le skateboard, la politique, la musique, les start-ups, la paternité, le web et une douzaine d’autres […] Sylvain Carle est une maille ordinaire du réseau, donc plein de défauts. Autrement, comme ils disent à San Francisco, watch out.» – Bruno Boutot, consultant en stratégie web, ancien journaliste et cofondateur d’Infopresse. Dès 2004, il a conçu avec Sylvain Carle des systèmes de médias et communautés sur le Web.
Contribution
Qu’a apporté Sylvain Carle, cofondateur de Needium (une start-up montréalaise) en un an chez Twitter? «S’ouvrir au monde! Je suis un non-Américain. Je viens de l’autre côté de la structure. Je suis toujours à l’écoute et je pense que Twitter, qui grandit tous les jours un peu plus, comprend qu’il faut écouter tous les partenaires, du plus petit au plus grand.»
Sylvain Carle aime se qualifier d’évangéliste techno, mais il n’appartient à aucune chapelle. Il adore surtout mettre en perspective, apporter du sens à toute nouvelle technologie. Un passeur d’idées, quoi!
Évangéliste techno?
Guy Kawasaki a inventé le terme pour inciter clients et experts à s’emparer d’une nouvelle technologie. Expliquer les bénéfices à en tirer n’est pas très sorcier. Conférences et productions vidéos sont toujours au rendez-vous. Steve Jobs a été le parfait évangéliste techno. Colporter la «bonne nouvelle» (évangéliste signifie «bon message» en grec) afin qu’elle soit reprise en chœur par tous les fidèles de la Toile est devenu un must pour les grandes marques d’internet.






