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Poursuivre pour discrimination, plus dur depuis Mike Ward, disent certains

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Mike Ward sur scène. Photo: Capture d'écran Youtube

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a annoncé un «recentrage» du traitement des plaintes liées aux propos jugés discriminatoires, à la suite du jugement dans le dossier opposant l’humoriste Mike Ward à Jérémy Gabriel. Des organismes de défense des droits craignent que la lutte contre les discriminations devienne ainsi plus difficile. Pour eux, certains plaignants rendus impuissants ne porteront pas plainte et se feront justice par eux-mêmes.

Cette refonte du cadre juridique de la CDPDJ fait suite à la décision de la Cour suprême dans l’affaire Mike Ward. Ce dernier avait été poursuivi par la CDPDJ pour des propos discriminatoires à l’encontre du chanteur Jérémy Gabriel, qui était adolescent à l’époque. Dans son spectacle, l’humoriste abordait le handicap de Jérémy Gabriel.

Dans son jugement, la Cour suprême avait tranché en faveur de Mike Ward et recadré les compétences du Tribunal des droits de la personne. Elle excluait les possibilités de ce dernier à entendre les causes associées à l’atteinte à la dignité.

La CDPDJ traitera désormais les plaintes concernant des propos ciblant un motif de discrimination lorsqu’un préjudice est engendré au-delà du droit à la dignité de l’individu visé. Les propos qui incitent d’autres personnes à discriminer sur des motifs similaires seront aussi considérés.

Moins de plaintes déposées

Ce recadrage «ne fait aucun sens» pour le directeur général du Regroupement des activistes pour l’inclusion Québec (RAPLIQ), Steven Laperrière. Le RAPLIQ milite pour les droits des personnes vivant avec un handicap.

«C’est sûr que ce que tu perds, c’est un accès à la justice. Tu perds une voix, une chance de te faire entendre. Je trouve que c’est vraiment dramatique. […] Chaque fois qu’on enlève l’accès aux citoyens à une forme de justice, c’est un drame», dit-il.

Selon lui, moins de gens déposeront des plaintes à l’avenir. Il espère fortement que ce nouveau cadre soit mis à l’épreuve devant les tribunaux lors de futures poursuites.

C’est clairement plus difficile aujourd’hui pour une personne de se défendre face à des propos discriminatoires que ça l’était à la même date l’an dernier.

Steven Laperrière, directeur général du RAPLIQ

Des conséquences sur l’ordre public

La CDPDJ et le Tribunal des droits de la personne permettent à des victimes alléguées d’être défendues gratuitement devant les tribunaux. Or, la refonte du cadre légal va laisser sur le carreau de nombreux plaignants, dont la plainte n’entre plus dans le cadre juridique et qui n’ont pas les moyens de payer pour être défendus légalement, craignent plusieurs.

«Tous ces gens-là vont éventuellement renoncer à leur plainte faute de moyens financiers. […] On risque de se trouver avec une problématique encore plus grave au niveau de l’ordre public», explique le directeur de la Ligue des Noirs du Québec, Max Stanley Bazin. «Si on vous énerve et on vous provoque et vous savez que vous ne serez pas dans la possibilité d’agir devant un tribunal faute de moyens […], on comprend que la ligne est mince et qu’il risque d’y avoir des réactions.»

M. Bazin craint ainsi qu’une proportion des plaignants se fassent justice par eux-mêmes, face à l’impossibilité d’être défendus. De ce fait, la Ligue des Noirs du Québec a sollicité le gouvernement fédéral pour revenir au cadre légal antérieur.

«Il faut que l’on fasse quelque chose, ça n’a aucune espèce de bon sens», s’exclame Max Stanley Bazin.

Les compétences de la CDPDJ recadrées par la Cour suprême

Selon l’avocat en droit de la personne Louis-Philippe Lampron, la CDPDJ n’avait pas le choix de recadrer son cadre juridique face à la décision de la Cour suprême. Il explique que le cadre juridique de la CDPDJ considérait auparavant ces litiges «presque automatiquement» comme une violation au droit à l’égalité.

«La décision de la majorité portait beaucoup, voire exclusivement, sur la compétence de la Commission des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne qui, il faut le rappeler, sont compétents exclusivement en matière de violation au droit à l’égalité», explique Louis-Philippe Lampron.

«Ce que la Cour suprême vient dire, c’est que pour des insultes, même avec une couleur discriminatoire, le bon véhicule c’est la diffamation. Et non pas, sauf exception, la violation du droit à l’égalité», ajoute-t-il.

Selon lui, il serait cohérent d’élargir le mandat de la CDPDJ pour qu’elle puisse traiter des plaintes fondées sur autre chose que le strict droit à l’égalité.

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