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Le père du pinyin a 105 ans

Jordan Pouille - Metro World News

«Entrez, entrez! Faites-vous une petite place», nous lance Zhou Youguang quand nous pénétrons dans son petit appartement de Beijing. Ses bibliothèques sont remplies de livres sur la linguistique, d’almanachs du New York Times et, sur le dessus, de figurines de Confucius.

Les murs sont décorés de photos de famille et d’un dessin au charbon de Zhang Yunhe, son épouse décédée il y a neuf ans. «Nous avons été mariés pendant 69 ans, dit-il. Et nous ne nous som­mes jamais chicanés!» Son fils, Zhou Xiaoping s’occupe de lui. Et il semble faire du bon travail : à 105 ans, Zhou est en santé et allumé, malgré une légère surdité.

Il y a maintenant 60 ans, cet homme a inventé le pinyin, un système de transcription phonétique des 50 000 caractères mandarins – un caractère par mot. «À ce moment, 80 % de la population ne pouvait lire les caractères, se rappelle Zhou. Les fermiers avaient leur propre dialecte. Un habitant de Shanghai ne pouvait communiquer avec un habitant de Beijing ou de Caton. Il était impossible de bâtir une nouvelle Chine avec autant d’illettrés.»

Zhou n’a jamais eu l’ambition de devenir le linguiste le plus important de son pays. Après des études en économie, il a été engagé par une banque privée chinoise et a plus tard été envoyé aux États-Unis pour établir des liens avec les banquiers de Wall Street. Lors de son séjour en Amérique, il a même ren­du deux fois visite à Albert Einstein à l’Université Princeton. «Il était très cool», raconte Zhou. Le Chinois s’est mis à s’inquiéter pour l’avenir de son pays. En 1949, Mao a créé la République populaire. Nous avions confiance, nous étions nourris à l’oppression.»

De retour en Chine, Zhou décroche un poste de professeur à l’Université Fudan, à Shanghai. Il est conseiller de Zhou Enlai, le tout premier premier ministre de Chine. «Enlai était très cultivé. Il parlait plusieurs langues et comprenait les différentes cultures.»

En 1955, le gouvernement invite Zhou a réformé le système d’éducation. Le pinyin est alors créé et approuvé par le congrès. Tous les élèves du primaire apprendront le mandarin avec cette métho­de. Le taux d’analphabétisme baisse alors de 10 %.

Ce succès n’empêche pas Zhou d’être envoyé dans un camp de travail à la fin des années 1960. «On m’a dénoncé comme étant un réactionnaire durant la révolution culturelle, explique-t-il. Je me suis exilé deux ans à la campagne. Quand je suis revenu chez moi, les gardes rouges avaient détruit mes souvenirs et mes photos.»

Zhou est encore bien de son temps. Il alimente son blogue régulièrement. Il a été particulièrement actif pendant le printemps arabe. «Les communistes nous ont sortis de la pauvreté, mais ils nous ont menti à propos des réformes démocratiques, se plaint-il. Nous sommes encore sous une dictature.»

Malgré son opposition po­litique, Zhou demeure serein. «Mon secret de longévité est de me tenir loin de la politique.» Aujourd’hui âgé de 105 ans, le père du pinyin (il préfère «le petit-fils du pinyin») n’a jamais joint le parti communiste. Et il se permet un verre de vin rouge de temps à autre!

Apprendre le mandarin grâce au pinyin

  • Le pinyin – en fait hanyu pinyin, qui veut dire «épeler les sons de la langue des Hans» – est le système le plus utilisé pour apprendre le mandarin. À quatre ans, les enfants chinois utilisent le pinyin pour apprendre à écrire les mots dont ils connaissent déjà la prononciation.
  • Dans les années 1950, le gouvernement communiste demande à Zhou Youguang, qui dirige alors une équipe de linguistes, de créer ce nouveau système.
  • Plus d’un milliard de Chinois ont utilisé le pinyin depuis 1958.
  • Le pinyin est devenu un outil essentiel pour intégrer le mandarin aux ordinateurs et aux téléphones mobiles.

Des exemples :

  • Bonjour = Ni Hao
  • Au revoir = Zai jian
  • Merci = Xie xie
  • Êtes-vous célibataire? =Ni Shi Dan Shen Ma?

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