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L’aire de glace

Photo: Pierre Brassard | www.pierrrebrassard.com

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Station de métro Champ-de-Mars. C’est vendredi et il est 8 h 15. Le métro bondé dans lequel je me trouve arrive au quai. En l’abordant, avant que ne s’ouvrent les portes, on peut voir de l’autre côté un employé qui entretient le plancher.

Avec soin, il s’applique, muni d’une polisseuse qu’il pousse avec précision pour s’assurer de bien couvrir chaque pouce de la surface qu’il a pour projet de faire scintiller. Il veut transformer le sol en miroir. Sol qui malheureusement sera foulé dans quelques secondes, et tout au fil de la journée, par des milliers et des milliers de pieds poussiéreux.

L’employé tourne sur lui-même. Il valse avec sa partenaire électrique, faisant totalement fi du troupeau qui viendra souiller le résultat de son labeur. Il préfère ne pas y penser. Il s’évade dans ses pensées imaginant que la surface qu’il entretient chaque matin de la semaine est une patinoire. Et que lui conduit une Zamboni imaginaire entre les périodes.

Les usagers du métro deviennent alors à ses yeux des joueurs de hockey (pas lock-outés), qui investissent les lieux pour aller compter des buts ou encore se faire plaquer contre la bande, tout dépendant du sort que leur réserve la journée.

Il s’amuse à observer les passagers, leur accordant des positions de défenseurs ou d’ailiers, selon qu’ils se placent stratégiquement ou foncent avec détermination dans la foule. Puis, l’employé concentré sur cette joute du quotidien se perd un moment dans une partie du passé. Ce soir d’avril 1972, le Forum était plein. Il avait 12 ans et, parce qu’il avait eu un très beau bulletin, son père, tout fier de lui, l’avait amené voir jouer le Canadien.

Il se souvient parfaitement de l’atmosphère de cette soirée. Du hot-dog, de sa petite mitaine posée sur la cuisse robuste de son paternel. Des cris de la foule. Il se souvient à quel point il s’était à ce moment senti proche de son papa. Et il se dit que des souvenirs comme ceux-là sont comme autant de petites aires de glace qu’il faut entretenir, polir et faire briller pour que jamais ils ne se ternissent.

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