Julien Clerc, hauteur de vue et vues d’auteurs
La méthode n’a pas changé, le fond, si: Julien Clerc a posé musique et voix sur des textes demandés à d’autres, dont Clara Luciani ou Jeanne Cherhal, pour un album davantage ouvert aux thèmes sociétaux.
Violences faites aux femmes
C’est le thème de La jeune fille en feu, écrite par Jeanne Cherhal, dont l’héroïne «A allumé la mèche/Et ouvert de ses voeux une brèche (…) N’a jamais reculé/Et pour toutes les femmes a parlé».
«J’ai rencontré Jeanne dans une tournée promotionnelle en Belgique, je pensais lui demander un texte depuis quelque temps», confie à l’AFP Julien Clerc. «Elle a mis du temps à revenir vers moi, m’a envoyé une jolie lettre avec ce texte, en disant « j’ai réfléchi longtemps avant de vous offrir un texte et je me suis dis que quelqu’un qui chante Femmes je vous aime serait intéressé ». Je l’en remercie, c’est une chanson majestueuse».
L’album Terrien, qui sort ce vendredi (chez Play Two), regorge de sujets aux reflets sombres. Une volonté délibérée ? «Non, ce n’est pas fait exprès, mais à l’arrivée, je me suis dit: c’est vrai que ces textes prennent une résonance dans l’époque actuelle», répond le septuagénaire, toujours fringant.
Ecologie, Brexit
Autre thème d’actualité, le sort d’une planète aux ressources épuisées est au coeur de La rose et le bourdon, co-écrite par le rappeur Vincha et Baptiste W. Hamon, explorateur du folk. «Vincha est un copain de Marlon (Marlon B., ancien batteur de Phoenix devenu producteur, qui réalise et mixe ici l’album) et le fait qu’il soit un rappeur m’a fait faire une musique un peu différente, avec cette litanie au milieu, un peu parlée. C’est une question qu’on doit se poser, dans quel état va-t-on laisser le monde à nos enfants ?»
Et Paul Ecole (auteur en vogue, au service de Calogero, entre autres) brosse Brexit, mot qui a parlé tout de suite à Julien Clerc. L’artiste vient de rentrer en France après avoir vécu cinq ans à Londres. «J’avais un pied là-bas (pour y résider), mais un pied ici (pour travailler): je passais beaucoup de temps dans l’Eurostar, et là, avec le Covid et le Brexit je me suis rendu compte que ce ne serait plus aussi facile de faire des aller-retours», confie-t-il. «Nous n’en avions pas parlé ensemble, mais Paul a eu cette idée-là, cette fable d’une Anglaise amoureuse d’un Français; et puis l’histoire est finie, mais c’est un chagrin à l’anglaise, il ne faut pas trop que ça se voit».
Dépression, fait divers
Comment tu vas ?, signée Marie Bastide (parolière réputée), amène en revanche Julien Clerc en terre inconnue. «Je la remercie de m’avoir donné ce texte, car ma femme me dit toujours, vous ne connaissez pas la dépression», expose le chanteur, qui vouvoie lui aussi son épouse, l’écrivaine Hélène Grémillon. «Je pense que c’est vrai, jamais je n’ai fait une dépression dans ma vie, ce n’est pas ma tournure mentale, même si j’ai connu des chagrins».
Nouvelle venue dans le sérail des plumes du chanteur, Clara Luciani – sacrée artiste féminine aux Victoires de la musique en 2020 – livre deux titres, Mon refuge, récit sentimental aux envies d’ailleurs, et surtout L’homme a nagé, regard décalé sur un fait divers.
«Ce que je recherche en tant que compositeur, ce sont des textes qui sortent de l’ordinaire. Les textes de Clara m’ont surpris par le style, l’inspiration. L’homme a nagé est complètement atypique, c’est un fait divers, ce qu’on voit assez peu dans les chansons», se félicite-t-il.
L’autre surprise dans cet album à la trame inquiète vient de Bernard Lavilliers, artiste engagé, qui propose un «petit tableau original», comme le dit Julien Clerc, sur… une histoire d’amour (Automne).