Avec le Parti québécois, Pierre-Luc Brillant retrouve le goût de rêver
Dans le cadre de la série «De la scène au Salon bleu», Métro s’entretient avec des artistes et personnalités médiatiques qui ont fait le saut en politique.
On se souvient de l’ado nonchalant de Tirelire, combines & cie (de la série des Contes pour tous) et on a encore moins oublié le rebelle Raymond Beaulieu de C.R.A.Z.Y. De Nos étés à Au secours de Béatrice, Pierre-Luc Brillant a toujours figuré dans les trames télévisuelles et cinématographiques de nos vies. Même musicalement, l’artiste a déployé ses ailes avec le groupe Comme dans un film, qui a lancé trois albums, dont le plus récent, Flashback, en début d’année.
Cette année, c’est un tout autre rôle que l’homme de 44 ans endosse, en se portant candidat du Parti québécois dans la circonscription de Rosemont, à Montréal, en vue des élections provinciales du 3 octobre. Rencontre enflammée avec un rêveur qui s’était peu à peu laissé gagner par la désillusion, mais qui retrouve le goût de l’union qui fait la force à travers ce nouvel engagement social.
Pour ne plus déprimer
Pierre-Luc Brillant raconte avoir toujours été très politisé et animé de la ferveur indépendantiste. Or, de là à faire lui-même le saut dans l’arène politique, il y avait un pas. Jusqu’à ce que le Parti québécois le contacte, au printemps dernier.
«Je me suis dit que j’irais écouter ce qu’ils avaient à dire et que je verrais ensuite. J’estimais que c’était un risque énorme pour ma carrière et que ça pourrait être très mal vu», confie Pierre-Luc Brillant, que Métro a rencontré le jour du centenaire de René Lévesque, fondateur du Parti québécois, le 24 août dernier.
C’est drôle, parce qu’on vit dans une démocratie, et on a peur de dire nos idées politiques. J’étais rendu déprimé politiquement; je trouvais que personne ne faisait rêver personne, que le Québec n’avait aucun projet palpable, que tout passait par l’économie. Je veux bien que l’économie soit saine, mais on ne peut pas créer un projet de société sur le déficit zéro et l’austérité. Ça ne fait pas rêver grand monde…
Pierre-Luc Brillant, comédien et candidat du Parti québécois dans la circonscription de Rosemont
«Quand je leur ai parlé, j’ai beaucoup aimé l’orientation que le parti prenait, celle de mettre l’indépendance au cœur du projet. Évidemment, le Parti québécois a toujours prôné l’indépendance, mais en parlait peut-être moins ouvertement. Cette fois, la campagne se fait carrément sur le sujet de l’indépendance.»
Papa d’une fille de 12 ans, beau-père d’un garçon environ du même âge et conjoint de la comédienne et chanteuse Isabelle Blais, Pierre-Luc Brillant a consulté son entourage proche avant d’accepter la proposition.
«On ne se lance pas dans une aventure comme celle-là à la légère. Et j’ai été surpris de constater que personne ne tentait de me décourager. Je me suis donc dit que, tant qu’à rester chez nous à chialer dans mon salon, j’allais mettre l’épaule à la roue et m’impliquer.»
Pas pour l’amour
De l’avis de Pierre-Luc Brillant, les gens de Rosemont voteront-iels pour lui, pour ses volontés politiques ou pour sa bouille célèbre? A-t-on plus de chances d’être élu.e si le public nous a adoré dans C.R.A.Z.Y ou applaudi sur les planches?
«Je ne suis pas dans la tête des voteurs, mais j’ose espérer que ça sera pour les idées et non parce qu’ils m’ont vu quelque part, hasarde-t-il. L’avantage d’être déjà connu, c’est que je n’ai pas besoin d’attendre que ma tête soit sur un poteau pour que les gens me reconnaissent dans la rue.»
«Comme acteurs, on ne reçoit que de l’amour. Ce n’est que positif. En politique, je me suis rendu compte que la game est rough, pour parler en bon français! J’ai découvert c’est quoi, les trolls et la haine gratuite… Donc, je ne m’en vais pas là pour avoir de l’amour!»
Pierre-Luc Brillant, comédien et candidat du Parti québécois dans la circonscription de Rosemont
Accessibilité, culture et médias
L’importance de concrétiser l’indépendance du Québec, le déclin de la langue française, la dépendance au pétrole, la préservation de l’environnement, l’accessibilité au quartier Rosemont – où les stations de métro et les commodités pour les personnes à mobilité réduite sont rares – et la revitalisation du coin, la prise en charge de la «plaie» qu’est à ses yeux Airbnb : les chevaux de bataille de Pierre-Luc Brillant sont nombreux, et il les détaille avec éloquence en entrevue.
Dans le domaine de la culture, il prévoit la création d’un CRTQ (sorte de CRTC québécois) visant à réglementer la production et diffusion du contenu québécois sur les plateformes étrangères comme Netflix, ainsi que la mise sur pied d’une caisse d’assurance-emploi qui assurerait un revenu aux artistes québécois.es en cas de précarité.
Au chapitre des médias, il considère qu’il faudrait supporter davantage les sources d’information locale, régionales et indépendantes, contrer la concentration médiatique et cesser de «subventionner l’opinion».
«D’avoir l’opinion de la même personne, chaque jour, sur tous les sujets possibles, je n’ai rien contre, mais on ne devrait pas subventionner ça. On devrait subventionner la nouvelle objective…»
Et, oui, à ses yeux, le Parti québécois est le bon véhicule pour matérialiser ses idéaux. La formation doit se reconstruire, il le reconnaît, mais «la charpente est là et est très saine», avance-t-il. Il n’y a qu’à rafraîchir le revêtement. «Tous les partis doivent se repenser au cours de leur histoire.»
«Se lancer en politique, on le fait par conviction, on ne le fait pas parce que ça va bien dans les sondages. Justement, on le fait parce qu’on veut que ça aille mieux dans les sondages (rires). Les gens se dépolitisent parce que la politique n’est plus intéressante. Le but de la campagne, au Parti québécois, c’est de rendre la politique intéressante, le fun, de ne plus avoir peur de nos idées.»
Je me suis rendu compte que ma candidature fait énormément de bien à beaucoup de monde. Les gens se disent : enfin, une personnalité publique qui n’a pas peur de ses opinions et de foncer. Maintenant, plein de monde veut suivre. Je le vois sur les réseaux sociaux et sur le terrain. C’est motivant pour la suite.
Pierre-Luc Brillant, comédien et candidat du Parti québécois dans la circonscription de Rosemont
Politicien, mais artiste aussi
Pierre-Luc Brillant compte se dévouer corps et âme à son métier de député s’il est choisi par la population de Rosemont le 3 octobre prochain et se dit prêt, dans lequel cas, à mettre la pédale douce sur ses activités artistiques.
Même si «aucune loi n’interdit à un député de travailler», fait-il remarquer, non, il ne tournera pas quatre films par année. Il donnera néanmoins un spectacle avec son duo Comme dans un film, qu’il forme avec sa douce Isabelle Blais, à Lévis, le 6 septembre.
«Quand Gérald Godin a été élu, il n’a pas arrêté d’être poète. Je n’arrêterai pas d’être ce que je suis. Au-delà de la partisanerie, une fille comme Catherine Dorion a réussi à continuer son travail artistique même en siégeant à l’Assemblée nationale.»
Par ailleurs, une discussion avec son ami Pierre Curzi, ex-membre du Parti québécois, l’a convaincu que 44 ans est un excellent âge pour tenter l’expérience de la politique.
«Lui s’est lancé à 54 ans, et il juge qu’il était trop vieux. Il avait énormément d’énergie, mais il en aurait pris plus. Il m’a dit qu’à 44 ans, on a assez vécu pour savoir de quoi on parle, mais on n’est pas à l’âge de s’épuiser, comme ça arrive à tout le monde en vieillissant.»