Bilan électoral: le PLQ en repli défensif
Le rideau est tombé sur la soirée électorale. À la vue de la carte électorale, le constat est clair: le rouge libéral est confiné à ses châteaux forts traditionnels, majoritairement situés dans l’ouest de Montréal. Un repli qui risque de marginaliser les libéraux aux yeux de la majorité des Québécois.
Le Parti libéral du Québec (PLQ) peut se réjouir d’avoir conservé l’opposition officielle avec 21 sièges. Le parti n’a toutefois obtenu que 14,4% des voix, un creux historique qui le place au quatrième rang au chapitre du nombre de votes.
Par ailleurs, les libéraux ont perdu leurs fiefs de Verdun et d’Anjou–Louis-Riel aux mains de Québec solidaire (QS) et de la Coalition avenir Québec (CAQ), respectivement.
Aucune ligne directrice claire pour les électeurs
«On sent que le PLQ ne sait pas trop dans quelle direction aller», constate Guy Lachapelle, professeur de science politique à l’Université Concordia, pour expliquer le recul du vote libéral.
Il donne l’exemple de l’économie, qui devrait être la force du PLQ. Or, la campagne du parti a plutôt été marquée par une erreur de plusieurs milliards de dollars dans son cadre financier.
M. Lachapelle estime que la disparition du clivage souverainisme-fédéralisme du cœur de la politique québécoise fait mal au PLQ. Le parti n’a pas su se moderniser face à des partis «arc-en-ciel» comme la CAQ et QS, qui vont chercher des gens de toutes les allégeances en la matière.
De plus, selon le professeur de science politique, l’aplaventrisme des derniers régimes libéraux face au gouvernement fédéral et les positions ambiguës du parti sur la protection du français ont créé un désengagement chez les Québécois francophones, qui sont «nationalistes dans un certain sens».
Les libéraux auraient ainsi laissé le champ libre à la CAQ pour incarner ce nationalisme. M. Lachapelle note d’ailleurs que le «fédéralisme payant» de François Legault ressemble drôlement au «fédéralisme rentable» de Robert Bourassa, premier ministre libéral de 1970 à 1976 et de 1985 à 1994.
Les libéraux conscients qu’ils ont du pain sur la planche
Pour Dominique Anglade, cheffe du PLQ, les difficultés du parti dans les circonscriptions qui ne lui sont pas habituellement acquises sont une question de «renouveau» par rapport aux gouvernements libéraux des dernières années.
«On n’a pas eu, dans les deux dernières années, avec la pandémie, l’opportunité de montrer ce renouveau. Là, on a l’équipe pour le faire», explique-t-elle.
Un constat que Guy Lachapelle partage partiellement, les scandales éthiques et les compressions budgétaires des gouvernements Charest et Couillard ayant plombé l’image du parti. «Tout ça a laissé un goût amer», observe-t-il.
Le parti traînerait aussi des casseroles dans les dossiers environnementaux, ce qui rendrait son virage vert moins crédible aux yeux des électeurs, surtout les jeunes, selon lui.
Le politologue revient toutefois à son constat initial, ces gouvernements ayant «laissé le fédéral tout faire». «C’est ça, le legs de Charest et Couillard», ajoute-t-il.
«On voyait les sondages…»
Carlos Leitão, président de la campagne du PLQ, ne se faisait pas d’illusion avant le dépouillement du scrutin, s’attendant aux résultats obtenus. «On voyait les sondages comme tout le monde», affirme l’ex-ministre des Finances.
«On n’a pas réussi à percer dans le Québec francophone», laisse-t-il tomber.
M. Leitão attribue pour sa part ces difficultés à la visibilité que la pandémie a octroyée à François Legault. «La plupart des gouvernements [partout dans le monde] qui ont géré la pandémie ont été réélus», remarque-t-il.
Dominique Anglade et Carlos Leitão reconnaissent tous les deux que les problèmes organisationnels du parti en début de campagne ont fait mal au PLQ, notamment en ce qui concerne le recrutement des candidats.
La concentration du vote libéral dans l’ouest de Montréal est une situation dangereuse, selon Guy Lachapelle. Le PLQ pourrait perdre son statut de parti «national» pouvant aspirer au pouvoir, s’il est simplement perçu comme le parti des anglophones. «Ça devient plus dur de démontrer que tout le monde a une place au parti», explique-t-il.
Carlos Leitão est beaucoup plus optimiste. Il espère que les ressources et la visibilité additionnelle que confère le statut d’opposition officielle permettront au PLQ de retrouver son lustre d’antan. «Le défi des quatre prochaines années, c’est d’utiliser l’opposition officielle comme tremplin pour aller à la reconquête du Québec francophone, à l’extérieur de Montréal», lance-t-il.