Des manifestations pour demander la réunification familiale dans tout le Canada
Des centaines de personnes se sont réunis aujourd’hui à travers le Canada pour demander la réunification familiale et dénoncer les délais de traitements d’immigration de ces familles séparées par les frontières et la crise de la COVID-19.
Ce sont près de cinq rassemblements en faveur de la réunification familiale qui étaient prévus à travers tous le pays pour soutenir ces familles et ces couples séparés. En plus de Montréal, des rassemblements avaient lieu à Ottawa, Toronto, Edmonton et Vancouver. La manifestation montréalaise était organisée conjointement par le mouvement Familles en instance de parrainage familial au Canada touchées par la COVID19 et Le Québec, c’est nous aussi, un mouvement citoyen qui lutte depuis plusieurs mois contre la réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) et qui soutient la cause des immigrés de la province.
«Le 8 juin, Justin Trudeau a annoncé que les conjoints mariés et leurs enfants seraient autorisés à venir au Canada pour être réunis avec leurs familles. Or, il a omis de mentionner que ceci ne s’applique qu’aux pays qui ne nécessitent pas de visa pour venir au Canada, comme les États-Unis et la plupart des pays européens. Pour les ressortissants des autres pays, l’isolement perdure, car nos demandes de visa de résidence temporaire sont systématiquement refusées.», a déclaré Misha Pelletier, porte-parole de Familles en instance de parrainage familial au Canada touchées par la COVID19 dans un communiqué.
Le rendez-vous en faveur de la réunification familiale était donné devant les bureaux d’Immigration Canada (IRCC) situé sur la rue Saint-Antoine Ouest où une centaine de personnes se sont rassemblées.
La plupart des manifestants étaient vêtus en plus d’un masque de rigueur et d’un t-shirt rouge où on pouvait y deviner un coeur avec la traduction du mot «famille» dans plusieurs langues ainsi que le mot-clic #PrioritizeFamilySponsorship.
À mesure que les intervenants commencèrent leur prise de parole, des pancartes avec des messages d’amour étaient brandies tout autour. Des photos des dizaines de couples et de familles ont été accrochées de manière temporaire sur les portes du bureau d’IRCC, constituant une fresque murale évocatrice de la diversité des profils et de la réalité de ces séparations cruelles.
«Je veux voir mon vrai papa, pas un ordinateur»
S’il est difficile de juger le nombre de couples et de familles touchées par ces délais et cette situation intenable, le groupe Facebook des Familles en instance de parrainage familial au Canada touchées par la COVID19 revendique pas moins de 3300 membres, réparti à travers tout le Canada. Une pétition lancée par ce même mouvement sur le site change.org a recueilli pour le moment près de 6000 signatures alors qu’une autre lancée à la Chambre des communes atteint les 4475 signataires.
Que ce soit sur la page Facebook de l’évènement et durant les manifestations, les témoignages pullulent.
Ces couples et familles binationaux souffrent, racontent avec émotion leurs histoires et l’injustice qu’ils ressentent face à cette séparation. Des séparations parfois au détriment de moments importants et essentiels d’une vie familiale comme le mari de Lyne bloqué au Liban, qui a manqué la naissance de leur enfant en mars dernier, et cela malgré les démarches de réunification entrepris par sa femme. Déjà affectés par cette situation, les récents évènements au Liban rendent cette séparation intenable pour Lyne d’origine libanaise. «L’évènement qui s’est passé vient de prouver que le destin nous cache toujours des choses, des imprévus que nous ne contrôlons pas… Je veux que mon mari rencontre finalement son petit garçon et que mon enfant vive la joie d’avoir un père à ses côtés», déclare-t-elle.
Pour les organisateurs, le gouvernement doit agir au nom de la santé publique : «Les familles qui subissent, dans l’incertitude, des périodes de séparation prolongées souffrent souvent d’anxiété, d’insomnie et de dépression. Le gouvernement a tous les moyens pour mettre fin à cette souffrance», déclare Charles Séguin, porte-parole du mouvement Familles en instance de parrainage familial au Canada touchées par la COVID19.
Le mouvement revendique des milliers de lettres envoyées à différents députés depuis près de 8 semaines. Malgré cela, ils n’ont toujours reçu aucune réponse de la part du ministère de l’Immigration, des réfugiés et de la citoyenneté et de son ministre Marco Mendicino: «On nous ignore complètement» déplore Charles Séguin lors de sa prise de parole.
«Tout ce qu’on demande c’est que le gouvernement fédéral entende chacune des voix des gens qui font partie de ce mouvement-là. Chacun des gens qui militent depuis plus de 8 semaines. On demande au gouvernement d’avoir une oreille ouverte et de nous fournir au moins un début de réponse», demande au micro Mathieu, séparé de sa femme originaire du Guatemala.
«L’amour ne connaît pas de frontières»
Les délais de traitement des demandes d’immigration émises dans le cadre du programme de parrainage familial, déjà excessivement long pour certains, ont depuis explosé à cause de la crise sanitaire, que ce soit au niveau fédéral ou provincial.
En ce sens, les manifestants ont notamment demandé au niveau fédéral la création d’un nouveau programme de «Visa de Résidence Temporaire Spécial» ou la modification d’un programme déjà existant afin de pouvoir permettre aux familles de résider au Canada le temps que leurs demandes de parrainage familial soient traitées et achevées. Cette proposition est notamment appuyée par une série de critères d’éligibilité proposés par le mouvement ainsi qu’un respect des consignes sanitaires liées à la pandémie.
Au niveau provincial, il y a encore une étape supplémentaire. Les familles doivent effectuer une demande de certificat de sélection du Québec (CSQ). Un CSQ qui fait lui aussi, l’objet d’une demande claire de la part des familles : que le délai de 25 jours soit rétabli «conformément aux engagements de la Déclaration des services à la clientèle du Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration». Les délais peuvent aujourd’hui s’étendre jusqu’à sept mois.
Pour Thibaut Camara porte-parole du mouvement Le Québec c’est nous aussi, «l’amour n’est pas du tourisme», comme il le scande au micro lors du rassemblement.
«La réunification familiale est un droit, un droit de vivre son amour au-delà des frontières. Les gouvernements québécois et canadiens doivent immédiatement se saisir de ces dossiers. Il en va de leur humanité et de leur capacité d’être à l’écoute de leurs citoyennes et citoyens. Les solutions sont sur la table c’est au gouvernement d’agir.», déclare-t-il dans un communiqué.
Le mouvement a notamment reçu la présence et le soutien d’Andrés Fontecilla, porte-parole de Québec solidaire en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion et député de Laurier-Dorion ainsi que d’Alexandre Boulerice, député de Rosemont—La Petite-Patrie et chef adjoint du Nouveau Parti Démocratique (NPD).
Témoignages bouleversants à #manif pour la réunification familiale. Des enfants qui attendent leurs pères, des femmes privées de leur conjoint, et des délais interminables. Il est temps de traiter ces gens avec #respect et #dignité. #polcan #NPD #prioritizefamilysponsorship pic.twitter.com/xrCSV7uACy
— Alexandre Boulerice (@alexboulerice) August 8, 2020
Pour Andrés Fontecilla, le gouvernement québécois ne peut pas tout mettre sur le dos de la pandémie et se servir de l’immigration simplement pour dans un but économique: «C’est avant tout une question de respect, envers des citoyens et des citoyennes canadiennes, des résidents permanents qui font venir leur famille qui attendant longtemps. Ensuite c’est une question de respects avec nos propres règles», a-t-il déclaré lors de sa prise de parole, faisant référence au délai de 25 jours du CSQ qui n’est plus respecté.
Le porte-parole de QS demande notamment à la nouvelle ministre de l’Immigration, Nadine Girault, de s’impliquer davantage dans ce dossier et d’interpeller le gouvernement fédéral pour mettre en place ce visa temporaire: «Je lui demande d’affirmer haut et fort devant Ottawa la nécessité d’accélérer les processus d’immigration et de mettre en place ces nouveaux mécanismes pour accélérer la venue des proches».
Une autre manifestation sur les questions d’immigration
Les questions d’immigration en ces temps de pandémie marquent régulièrement l’actualité québécoise depuis quelques mois, notamment lorsqu’il est question du sort des travailleurs temporaires, des travailleurs essentiels et des étudiants étrangers.
Une autre manifestation avait lieu plus tôt dans la journée devant les bureaux de Justin Trudeau à Montréal. Cette «action artistique» en faveur des migrants sans statuts, était organisée par Solidarité sans frontière, un réseau impliqué dans les luttes immigrantes qui avait déjà organisé un rassemblement le 26 juillet dernier.