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La sécurité alimentaire, un défi du quotidien

Selon Statistique Canada, le prix des aliments achetés en magasin a augmenté de 10,6% en février, d'une année à l'autre. Photo: iStock, FatCamera.

En ce mois de la nutrition, Métro est allé à la rencontre de quatre organismes d’aide alimentaire de la métropole afin d’identifier les changements et les défis auxquels ils font face avec l’inflation galopante.

Voici un aperçu des principaux éléments soulevés par ces organismes montréalais situés dans les arrondissements de Verdun et d’Ahuntsic-Cartierville, ainsi qu’à Mercier-Ouest et dans le Village.

Une clientèle de plus en plus éclatée

«Il y a quelques années, 90% de notre clientèle étaient sous assistance sociale. Aujourd’hui, nos statistiques ont considérablement changé», indique Chantal Comtois, directrice générale du Service de nutrition et d’action communautaire (SNAC), dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.

Fondé en 1992, le SNAC est la principale banque alimentaire du quartier et dispose de trois points de services au sein de l’arrondissement. Contrairement à d’autres banques alimentaires qui ne reçoivent que des dons, l’organisme a aussi la capacité d’acheter ses propres denrées.

Depuis l’explosion de l’inflation, le SNAC voit beaucoup plus d’aînés, d’étudiants, d’immigrants et de personnes ayant un emploi faire appel à ses services. «Il y a des travailleurs que l’on ne voyait plus qui maintenant reviennent à cause de l’inflation», explique Mme Comtois.

Une journée de dépannage alimentaire au SNAC. Photo: Gracieuseté, SNAC.

Entre le 1er avril 2022 et le 28 février 2023, 1523 ménages ont utilisé les services de dépannage du SNAC. Sur ces 1523 bénéficiaires, environ 580 seraient de nouveaux ménages s’étant inscrits cette année. Depuis le mois de novembre dernier, l’organisme recevrait une vingtaine de nouvelles inscriptions chaque semaine.

Dans le quartier de Mercier-Ouest, le Centre NAHA effectue les mêmes constats. Cet organisme communautaire a comme mission première l’accès au logement, mais offre aussi une distribution d’aide alimentaire chaque semaine.

«Depuis mon arrivée au centre il y a trois ans, je remarque qu’il y a un achalandage différent et varié, raconte Norma Drolet, directrice de l’organisme à but non lucratif. Depuis un an, beaucoup de réfugiés et de personnes en colocation viennent nous voir.»

Bénévoles de la distribution alimentaire du Centre NAHA. Photo: Gracieuseté, Centre NAHA.

Tous les jeudis, dès 13h, le Centre NAHA offre un service de dépannage alimentaire aux personnes et aux familles dans le besoin qui résident dans le quartier de Mercier-Ouest et ses environs. Durant l’année 2021-2022, l’organisme a remis 1188 paniers de denrées alimentaires, auxquels se sont ajoutés des dépannages d’urgence gratuits. Sur une centaine de membres inscrits, 54% étaient d’origine étrangère.

La recrudescence de personnes issues de l’immigration ou de réfugiés ayant recours à l’aide alimentaire est aussi observée par les autres organismes contactés par Métro. Selon la directrice du SNAC, ce sont des personnes qui n’ont toujours pas obtenu de permis de travail et qui dépendent des banques alimentaires pour se nourrir.

Certaines denrées introuvables

«Mine de rien, les œufs me coûtent 500$ par semaine», confie la directrice générale du SNAC. Selon elle, l’inflation présente un double défi pour la population et les organismes d’aide alimentaire: l’augmentation du prix des denrées de base et le fait qu’on en trouve moins qu’avant.

Contrairement au SNAC, certains organismes n’ont pas la capacité d’acheter des denrées pour compléter leur banque alimentaire. C’est le cas d’Information alimentaire populaire Centre-Sud, qui consacre 100% de sa mission à la sécurité alimentaire, en proposant quatre dépannages par semaine dans ses locaux situés sur la rue Beaudry. L’organisme distribue des paniers à près de 500 foyers par semaine.

«Notre stock de denrées est assez faible, donc il est clair que c’est compliqué, explique Julien Scott, directeur général de l’organisme communautaire. Il est impossible pour nous d’acheter des denrées, vu leur prix. Si le volume de nourriture n’augmente pas, nous n’aurons pas le choix de réduire le contenu des paniers que nous distribuons.»

Une partie du stock alimentaire d’Information alimentaire populaire Centre-Sud, à la mi-mars 2023. Photo: Lucie Ferré, Métro.

Parmi les quatre organismes rencontrés par Métro, tous disent avoir du mal à trouver du lait, du beurre, des œufs ou du fromage lorsqu’ils se rendent à Moisson Montréal, la plus grande banque alimentaire du Canada desservant plus de 300 organismes sur l’île.

Contactée par Métro, Chantal Vézina, directrice générale de Moisson Montréal, confirme que beaucoup de denrées de base sont difficiles à trouver, comme la farine, le sucre ou l’huile. «Cela nous arrive de ne plus pouvoir donner certains produits à des organismes. Les denrées de base que je viens de vous citer, on a dû en recevoir qu’une seule fois depuis septembre», explique-t-elle.

Selon elle, cette indisponibilité serait liée à un ensemble de facteurs, comme la pandémie ou la guerre en Ukraine, en plus de l’inflation.

Le processus d’accréditation de Moisson Montréal permettant d’ajouter de nouveaux organismes à sa liste de bénéficiaires est d’ailleurs à l’arrêt depuis l’automne 2022. «On sait que les besoins sont grandissants, mais si j’ai encore plus d’organismes, je ne serai pas capable de les fournir», déplore Mme Vézina.

Manque de soutien

Bien plus qu’un souci d’octroi de financement, Rudi Svaldi, directeur communautaire du Réseau d’entraide de Verdun déplore surtout le manque de soutien de la part des bailleurs de fonds quant à l’organisation logistique des banques alimentaires, leur permettant par exemple de louer un camion pour aller chercher des denrées à Moisson Montréal.

«C’est assez absurde, car certaines denrées alimentaires comme les fruits et les légumes sont très accessibles à Moisson Montréal, avance-t-il. Cependant, ce qui me manque, c’est de pouvoir aller les chercher.»

Cette banque alimentaire de Verdun existe depuis 1979 et distribue tous les lundis des paniers à plus de 200 personnes du quartier. Son épicerie communautaire propose notamment jusqu’en juin des poulets entiers pour seulement 5$.

File d’attente lors d’une distribution alimentaire du Réseau d’entraide de Verdun en mars. Photo: Gracieuseté, Réseau d’entraide de Verdun.

«Les fonds provinciaux et municipaux ont tendance à être politisés, affirme M. Svaldi. Nous, ce que nous voulons, c’est garder les choses simples pour que l’on puisse proposer des solutions durables dans le temps.»

Le financement des organismes d’aide alimentaire par des bailleurs de fonds pourrait se résumer à trois différents types de subventions: le financement à la mission, c’est-à-dire tout ce qui est relatif aux ressources humaines ou encore au matériel informatique d’un organisme; le financement par projet, qui est accordé à un organisme pour un projet précis et souvent de courte durée; et les financements «d’urgence», qui sont accordés aux organismes lors d’une crise majeure, comme durant la pandémie. On pourrait aussi y ajouter les dons sporadiques.

Aujourd’hui, on ne peut pas juste faire de l’aide alimentaire. Pour obtenir du financement, il faut qu’il y ait un volet culturel, politique ou environnemental…

Rudi Svaldi, directeur communautaire du Réseau d’entraide de Verdun

Selon le directeur général d’Information alimentaire populaire Centre-Sud, le financement par projet serait devenu une mode. «Les financements par projets sont souvent octroyés sur un an ou deux ans, soutient-il. En si peu de temps, on ne peut pas nous demander de faire quelque chose de structurant pour le quartier.»

La recherche de financement pour son organisme serait un travail à temps plein pour lui et son équipe.

De son côté, la directrice générale de Moisson Montréal assure que si un organisme n’a pas la capacité de prendre toute la nourriture dont il a besoin une fois arrivé à Moisson Montréal, celle-ci ne sera pas gâchée, mais redistribuée à d’autres organismes.

Manger, un besoin essentiel

Manger est un besoin de base qui doit être protégé afin de prévenir les problèmes de santé physique et mentale, rappellent les quatre banques alimentaires rencontrées par Métro.

«Manger, c’est la dignité. Ne pas donner l’accès à tous à une alimentation saine et équilibrée engendre beaucoup de coûts pour la société», défend Julien Scott, d’Information alimentaire populaire Centre-Sud.

Chantal Vézina, de Moisson Montréal, rappelle quant à elle que ce ne sont pas les banques alimentaires qui permettront de régler le défi de l’insécurité alimentaire dans le monde.

Pour voir où se situent les banques alimentaires disponibles près de chez vous dans le Grand Montréal, consultez cette carte.

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