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Le réconfort

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Station Laurier, direction Côte-Vertu. Mercredi, 10 h 14.

Le métro vient de prendre son élan pour atteindre la prochaine station, où entrent une mère et son petit. La dame place la poussette parapluie en face de moi et prend place sur un banc solo. Elle relève la housse de plastique qui protège la poussette des intempéries. Il faut dire que dehors, il pleut sérieusement.

Vu la bâche de plastique qui recouvre le pousse-pousse, ce dernier prend un air de mini abri tempo et dégouline sur le sol.

La maman lève donc le rideau sur son enfant qui se met à pleurer. Un gar��on, je parie. J’avance cela non seulement à cause du bleu de son chapeau, mais surtout en me fiant à sa binette franchement masculine. Parfois, c’est comme ça : la physionomie d’un bébé peut trahir son sexe. Alors qu’à d’autres moments, on se plante complètement dans nos suppositions. Par exemple, un sincère «quelle jolie petite fille» accuse pour sèche réponse que la fillette en question s’appelle Louis. Alors qu’au contraire l’enfant qu’on a salué d’un «Oh! le beau petit bonhomme!» se trouve à porter une robe sous son manteau et se prénomme Margot.

Cette fois je suis tombée pile puisque la mère aimante replace le bonnet azur en interpellant son petit Paul. «Tiens! Ta doudou», lui dit-elle doucement, pour le consoler, en lui tendant une délicate couverture en flanelle avec un imprimé de dauphins et d’étoiles de mer.

Le garçonnet oublie subitement sa peine et empoigne la couverture avec un enthousiasme fou, comme si on venait de lui donner les clés d’une rutilante voiture sport. Il porte le coin droit de la couverture à sa joue qu’il caresse avec le tissu doux.

Les yeux dans la graisse de bines, il fixe, apaisé, l’avenir avec confiance. Il y a dans cet instant, entre l’enfant et ce morceau de bonheur, tout le bien-être du monde. Le petit s’endort rapidement. Dans son abandon, il laisse tomber la doudou dans la flaque d’eau qui s’est formée sur le sol. La couverture, submergée, semble soudainement démunie, et ce, malgré l’univers marin qu’elle arbore. Ainsi détrempée, elle a perdu sa superbe et semble dépossédée de sa puissante bienveillance. À cet instant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est elle, on dirait, qui aurait besoin qu’on s’occupe d’elle.

Comme quoi, malgré parfois des apparences d’infaillibilité, rien ni personne n’est à l’abri du besoin d’être réconforté.

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