Le pipeline ne passera pas
Vous n’avez peut-être pas regardé les nouvelles ce weekend de l’Action de grâce; il faisait tellement beau, je vous comprends! Il s’est pourtant passé quelque chose de vraiment inspirant, un évènement qui marquera l’histoire environnementale québécoise.
Samedi passé, 2500 personnes se sont rassemblées à Cacouna pour manifester contre le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada et plus particulièrement contre le port pétrolier qu’on prévoit installer dans cette petite municipalité du bas du fleuve. Le port serait d’une longueur de 700 mètres et serait situé dans la pouponnière des bélugas du Saint-Laurent dont la faible population inquiète les scientifiques.
La marche a attiré mon attention pour trois raisons.
Premièrement, la population de Cacouna est de 1800 âmes. Le village se trouve à 450 km de Montréal, donc à 450 km du Plateau Mont-Royal. On ne pourra pas dire que ce sont encore les gauchistes et artistes du Plateau qui manifestaient! Par ailleurs, une manifestation de 2500 personnes dans un village, je n’ai jamais vu ca, du moins au Québec.
Deuxièmement, la marche était une initiative citoyenne. Les groupes comme Greenpeace et Équiterre ont soutenu l’initiative, mais sans plus. Amener du monde dans la rue (ou, dans le cas qui nous concerne, littéralement dans les champs) est un exploit sans l’infrastructure de communication d’un grand syndicat ou d’un Greenpeace. Le faire, en plus, à Cacouna, est un signe de toute l’importance qu’accordent les citoyens à cet enjeu.
Troisièmement, des représentants d’au moins quatre partis politiques étaient présents: le NPD, le Bloc, le Parti québécois et Québec Solidaire. Outre ce dernier, il s’agit d’un virage important pour ces formations. Pour la première fois, des partis politiques majeurs s’opposent au projet de TransCanada. À l’égard des prochaines élections fédérales, cela aura un impact certain. La pression sera forte sur les autres partis fédéraux dont les Libéraux et les Conservateurs qui devront se positionner.
À mon humble avis, le mouvement d’opposition au projet d’Énergie Est vient de franchir un point de bascule. Ce dossier vient de devenir l’un des principaux enjeux environnementaux du moment et des deux prochaines années.
Au-delà des enjeux prioritaires, certains dossiers définissent l’appartenance des groupes et partis politiques à un camp ou à l’autre. Le protocole de Kyoto était ainsi devenu un symbole: on ne pouvait pas être pour la protection de l’environnement sans être pour Kyoto. La question du développement des gaz de schiste s’est aussi hissée à ce rang: être favorable à leur développement est devenu incompatible avec une vision d’un Québec responsable écologiquement.
La manifestation de Cacouna contre le projet Énergie Est me laisse croire que ce pipeline deviendra lui aussi un enjeu du même ordre. Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que ce pipeline ne passera pas.
Je lève mon chapeau aux citoyens qui ont organisé cette marche ainsi qu’aux groupes qui ont soulevé les premiers l’enjeu des bélugas et du port pétrolier: WWF, la Fondation David Suzuki, le Centre québécois du droit de l’environnement, Nature Québec et la Société pour la nature et les parcs.
Le pipeline Énergie Est de TransCanada c’est:
- une infrastructure indispensable au développement des sables bitumineux qui émet trois fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel;
- une augmentation de 32 millions de tonnes de gaz à effet de serre par année (à titre comparatif, les émissions totales du Québec sont de l’ordre de 78 millions de tonnes);
- des risques accrus pour les écosystèmes et les communautés qu’il traverserait sur 4500 km;
- une menace extrême pour les bélugas du St-Laurent et autres mammifères marins au Québec, au Nouveau-Brunswick et ailleurs.
Pour signez la pétition contre le projet Énergie Est: www.cauzio.org