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La porte d’entrée de la DPJ

Photo: Métro

Que se passe-t-il lorsqu’un signalement est fait à la DPJ? Comment les intervenants décident-ils de retirer un enfant de son foyer? Pendant combien de temps la DPJ peut-elle suivre une famille? Notre journaliste Marie-Eve Shaffer a eu un accès privilégié aux coulisses de la DPJ.

Vendredi matin. Un soleil magnifique plombe sur la métropole. À peine quelques nuages flottent dans le ciel d’un bleu éclatant. Au septième étage d’un bâtiment du centre-ville, une histoire terriblement triste est racontée.

Le jeune Marc-André*, huit ans, vit une relation trouble avec sa mère. Cette dernière est généralement indifférente à son égard, mais parfois, elle l’enveloppe d’un amour si étouffant qu’elle va jusqu’à prendre son bain avec lui ou à le bercer sans cesse.

L’agente de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), Sonia Perron, note tout : les coordonnées de la mère et de l’enfant, leur situation familiale et le suivi auquel ils ont eu droit par les différentes ressources de l’île de Montréal. La personne qui lui parle, dont l’anonymat sera préservé par la DPJ, raconte que le petit Marc-André a constamment le nez collé sur la télévision ou ses jeux vidéo.

La DPJ du Centre jeunesse de Montréal – Institut universitaire (CJM-IU) reçoit chaque année plus de 9 000 signalements d’enfants maltraités, négligés ou à risque de l’être, dont la sécurité et le dévelop­pement sont compromis. Les appels proviennent d’un parent, d’un voisin, d’un professionnel (enseignant, policier, infirmière ou autres) et même, dans certains cas, de l’enfant lui-même. L’identité de ceux-ci est protégée par la DPJ. Personne ne saura qu’ils ont appelé.

De toute façon, aux yeux des inter­venants, ça n’a aucune importance. La priorité, c’est de protéger l’enfant et d’aider la famille dans le besoin.

Une vingtaine d’interve­nants de la DPJ reçoivent les appels 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. C’est peu pour l’ampleur de la tâche, mais les appels sont trop importants pour être négligés. «On se doit de répondre aux appels, insiste la chef du service de l’accueil de la DPJ du CJM-IU, Kathleen Bilodeau. Il peut y avoir des périodes de débordement, mais malgré tout, chaque situation mérite une attention particulière.»

Pour chaque cas, les intervenants prennent des décisions selon les faits qui leurs sont exposés. Pas leurs impressions. Selon l’état de l’enfant, les traitements quotidiens auxquels il a droit, sa vulnérabilité et les ressources qui entourent les parents, ils décident si un signalement est retenu ou non et s’il faut inter­venir rapidement. En 2010-2011, 4 234 signalements ont été retenus sur les 9 468 signalements qui ont été reçus à la DPJ du CJM-IU. Les décisions que prennent les intervenants sont lourdes de conséquences.

C’est pourquoi ils sont entourés d’une équipe (chef de service, adjoint clinique, psychologue et autres) afin de les aider à trouver la meilleure solution pour chaque cas. «Il y a du soutien au quotidien parce qu’un intervenant n’est pas le seul porteur d’une situation familiale malheureuse», dit la chef du service de l’accueil.

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Lorsque la DPJ intervient dans une famille, c’est qu’elle veut aider les parents à assumer entièrement leurs responsabilités parentales. Elle compte le faire sur la période la plus courte possible bien que parfois, ce soit tout simplement impossible.

Plusieurs craintes persis­tent sur le mandat de la DPJ, notamment sur la possibilité qu’un enfant soit retiré de son foyer. Les deux tiers (65 %) des enfants pris en charge par le CJM-IU demeurent avec leur famille, selon le rapport annuel 2011 de l’institution.

«On a une loi qui nous donne des pouvoirs très particuliers, explique Kathleen Bilodeau. C’est ce qui fait que nos interventions sont d’autorité, mais sur le terrain, concrètement, ce ne sont pas des interventions d’autorité. Ce sont des interventions de mobilisation, d’accompagnement, de soutien. Parce que si on veut atteindre nos objectifs, c’est-à-dire que le parent récupère ses responsabilités parentales, il faut l’accompagner. Le succès d’une intervention, c’est de travailler avec la famille et l’enfant.»

Après que toute l’histoire du jeune Marc-André lui soit exposée, Sonia Perron décide de retenir le signalement. Dans les prochains jours, des intervenants du service de l’évaluation et de l’orientation iront cogner à la porte de la mère du petit, qui refuse de répondre à son téléphone. Le relais est ainsi donné.

* Nom fictif

Contact
Pour faire un signalement :  514 896-3100

En chiffres

  • 12 000

En plus de recevoir les signalements d’enfants maltraités ou négligés, les intervenants du service de l’accueil de la DPJ offrent de l’information et des références aux parents dans le besoin. Ils reçoivent environ 12 000 appels à cette fin.

«Il y a des gens qui nous appellent parce qu’ils veu­lent soutenir une famille, mais ils ne savent pas comment faire, rapporte la chef du service de l’accueil de la DPJ du CJM-IU, Kathleen Bilodeau. Il y en a qui ont de la difficulté avec leur enfant, et ils ne savent pas vers quel service se tourner. Les CSSS offrent beaucoup de services, et les gens ne sont pas au courant de la structure des services ou de la façon dont ça fonctionne en cas de difficulté.»

  • 15 %

Selon le rapport annuel 2011 du CJM-IU, le nombre de signalements a bondi de 15 % en l’espace d’une année. Il est difficile de cerner avec précision les causes de cette hausse, fait savoir la chef du service de l’accueil, Kathleen Bilodeau. «Elle n’est pas liée à un seul facteur, explique-elle. Les gens nous connaissent de plus en plus et ils sont de plus en plus conscients de notre mandat. Sinon, est-ce qu’il y a une détérioration du tissu social? Est-ce qu’il y a une méconnaissance des services? C’est à considérer.»

Série
Ceci est le premier reportage d’une série qui sera publié sur trois jours dans Métro.

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