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Tarifs dans l’auto: Ottawa menace de riposter à Washington

J. Scott Applewhite / The Associated Press Photo: J. Scott Applewhite / The Associated Press

OTTAWA — Le Canada a envoyé jeudi un avertissement on ne peut plus clair à l’administration Trump: Ottawa répliquera coup pour coup si Washington impose des tarifs douaniers sur les importations de véhicules et de pièces aux États-Unis.

L’ambassadrice adjointe du Canada aux États-Unis a livré ce message en personne, jeudi à Washington, lors de son témoignage aux audiences publiques du département américain du Commerce. Le ministère mène une enquête pour déterminer si le Congrès devrait recommander au président Donald Trump d’imposer des tarifs, sur la base d’une «menace pour la sécurité nationale», en vertu de l’article 232 de la Loi sur l’essor commercial de 1962.

Les dirigeants de différents secteurs de l’industrie automobile américaine ont exhorté jeudi l’administration Trump à renoncer aux tarifs punitifs sur les importations de véhicules et de pièces aux États-Unis. Ces dirigeants estiment que les tarifs douaniers nuiraient à la compétitivité de l’industrie, feraient grimper les prix à la consommation et entraîneraient d’importantes pertes d’emplois.

Cette menace de tarifs douaniers sur l’automobile arrive à un moment où les deux voisins sont déjà engagés dans un conflit commercial sans précédent. En juin, l’administration Trump a imposé des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium; le Canada a riposté avec ses propres tarifs douaniers sur les importations de métaux et de dizaines d’autres produits de consommation américains.

Kirsten Hillman, ambassadrice adjointe du Canada à Washington, a été très claire, jeudi, lors des audiences: «Si cette enquête devait aboutir à l’imposition de tarifs sur les automobiles, le Canada serait à nouveau obligé de réagir de façon proportionnelle.»

«Il est primordial de maintenir un libre commerce des automobiles et des pièces entre nos pays, pour le bien-être économique de nos entreprises, de nos collectivités et de nos travailleurs, ce qui assure aussi notre sécurité collective, a-t-elle soutenu. Nous vous invitons fortement à garder cela en tête en préparant vos recommandations.»

L’Union européenne aussi
L’avertissement du Canada est survenu le jour même où l’Union européenne annonçait qu’elle était prête, elle aussi, à adopter des mesures de rétorsion contre les États-Unis si le président Trump imposait des tarifs sur l’automobile.

Le président menace d’imposer des droits de douane de 25% sur les véhicules et pièces entrant aux États-Unis, dans le but de «venir en aide aux travailleurs américains». Son administration soutient que pendant des décennies, les importations étrangères ont miné l’industrie automobile américaine.

Mme Hillman a rejeté l’idée que le Canada puisse représenter un risque pour la sécurité nationale des États-Unis. Elle a ainsi rappelé que les autorités américaines avaient toujours considéré les centres industriels canadiens comme des sources clés de production en cas d’attaque contre les États-Unis.

«Dans le cadre de cette enquête, on vous demande d’examiner un secteur industriel précis: l’automobile et les pièces. Pas les chars d’assaut ni les cuirassés, a-t-elle déclaré. Alors, où est le lien entre les véhicules civils et la sécurité nationale? Il n’y en a pas, et il n’y a aucun motif d’en trouver un.»

Le ministre du Développement économique et du Commerce de l’Ontario, Jim Wilson, a aussi témoigné lors des audiences de jeudi. La province, qui dépend fortement du secteur automobile, subirait un dur coup si les tarifs américains étaient imposés. «Tout le monde y perdra», a-t-il soutenu.

Une industrie «indispensable»
Dans ses remarques préliminaires, jeudi, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a précisé qu’il était «manifestement trop tôt pour dire» si l’enquête de son département débouchera sur la recommandation d’imposer des tarifs pour des raisons de sécurité nationale. «Mais le président Trump comprend à quel point l’industrie automobile américaine est indispensable», a rappelé M. Ross.

Au cours des quelques heures qui ont suivi, des dirigeants de l’industrie ont essayé tour à tour de faire comprendre l’importance de ce secteur pour l’économie américaine, en exhortant l’administration Trump à renoncer à des tarifs qui seraient néfastes pour l’économie américaine.

«Nous apprécions le désir de renforcer nos accords commerciaux afin de parvenir à des règles du jeu plus équitables — mais l’approche des tarifs n’est pas la bonne», a déclaré Jennifer Thomas, vice-présidente des affaires gouvernementales fédérales à l’Alliance (américaine) des constructeurs automobiles.

«L’opposition est largement répandue, parce que les conséquences sont alarmantes: des tarifs plus élevés nuiraient aux travailleurs, aux familles et à l’économie des Américains. En termes simples, ces tarifs constituent une taxe massive pour les consommateurs», a soutenu Mme Thomas.

Ann Wilson, de l’Association américaine des manufacturiers de moteurs et de pièces automobiles, a affirmé que les tarifs entraîneraient d’importantes suppressions d’emplois dans les six mois suivant leur application, et retarderaient ou élimineraient la recherche et le développement dans ce secteur. Ces tarifs pousseraient aussi les manufacturiers à délocaliser certaines de leurs activités à l’extérieur des États-Unis, afin de réduire leurs coûts de production. Tout compte fait, a-t-elle dit, ces tarifs «affaibliraient l’économie américaine».

Peter Welch, de l’Association américaine des concessionnaires automobiles, a réfuté de son côté l’argument selon lequel ces importations constitueraient une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Il prévient aussi les consommateurs américains que ces tarifs feraient gonfler le prix de leurs véhicules.

Un témoin favorable à l’enquête
Parmi tous les témoins entendus jeudi matin, un seul a exprimé son soutien à l’enquête du département américain du Commerce. Jennifer Kelly, directrice de la recherche pour le syndicat américain des Travailleurs unis de l’automobile, a plaidé que des décennies d’investissements à la baisse, ainsi que le déplacement des emplois vers des pays à salaires réduits, comme la Chine et le Mexique, ont nui aux familles et aux communautés américaines, et ont donc miné la sécurité nationale.

«Il était temps qu’une enquête approfondie soit menée sur l’impact du ralentissement de l’industrie automobile et ses conséquences pour notre sécurité nationale et notre bien-être économique», a déclaré Mme Thomas.

La syndicaliste a par ailleurs appelé à la plus grande des prudences, afin de ne pas prendre de décision échevelée qui bouleverserait une industrie mondiale très complexe. «Toute action imprudente pourrait avoir des conséquences imprévues, y compris des licenciements massifs de travailleurs américains, a-t-elle prévenu. Mais cela ne veut pas dire de rester les bras croisés.»

Ces audiences sont suivies de très près par les représentants de l’industrie de l’automobile, les élus et les économistes au Canada. Plusieurs croient que les droits de douane plomberaient lourdement les économies canadienne et américaine, car les dommages collatéraux iraient bien au-delà du secteur névralgique de l’automobile, actuellement en plein essor.

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