Les portefeuilles de Quadriga vides depuis près d’un an
Les clients de l’échange vancouvérois, QuadrigaCX, n’ont pas fini de s’interroger sur la mystérieuse disparition de centaines de millions de dollars en cryptomonnaies.
Nouvel acte dans ce drame financier pour le moins théâtral. Comme beaucoup le suspectaient, Quadriga a «perdu» la fortune amassée par ses 115 000 membres. Mais depuis bien plus longtemps qu’on ne le croyait.
C’est ce qu’épingle la firme de conseil Ernst & Young, contrôleur mandaté par la justice néo-écossaise, dans son dernier rapport rendu public vendredi dernier, après avoir vérifié neuf «cold wallets» (portefeuilles hors-ligne) utilisés normalement pour sécuriser les devises numériques.
Un examen préliminaire des transactions de ces portefeuilles à l’aide de la blockchain a montré que d’avril 2014 à avril 2018 environ, les soldes de fin de mois oscillaient entre zéro et maximum 2776 bitcoins (soit 10,5M$US au cours actuel). Le solde moyen sur la période de quatre ans s’élevait à quelque 124 bitcoins (environ 400 000$US).
Depuis avril dernier, soit huit mois avant que le PDG et cofondateur de la plateforme, Gerald Cotten, ne meure secrètement à l’étranger, les portefeuilles cryptos de l’entreprise auraient été inexplicablement vidés alors que le bitcoin s’échangeait encore entre 7000$US et 9000$US.
Le contrôleur essaie désormais d’obtenir l’historique complet des transactions enregistré sur de nombreuses autres plateformes d’échange de cryptos.
«Quatorze comptes utilisateurs ont été créés artificiellement par Quadriga sous divers alias et utilisés pour transiger sur sa propre plateforme», note Ernst & Young dans son rapport.
Sans préciser leur identité, le contrôleur dit avoir pris contact avec ces autres plateformes. Seulement quatre ont pour l’instant répondu aux sollicitations, confirmant pour certains abriter un compte du défunt PDG de Quadriga.
Désirant éveiller l’attention sur cette histoire abracadabrante, l’échange américain Kraken promet une récompense de maximum 100 000$ en monnaie fiduciaire ou en cryptomonnaies à quiconque permettra aux autorités de retrouver le butin.
Une récente analyse indique d’ailleurs que d’importantes quantités de cryptomonnaies (plus de 600 000 ETH (Ethereums)) ont été déposées par Quadriga sur les échanges Bitfinex, Poloniex et Kraken.
«C’est ce que peuvent espérer le mieux les clients de Quadriga. Malheureusement, rien sur Kraken. Les comptes étant créés sous des noms différents vont demander plus de recherches», a commenté le fondateur de Kraken.
Notons, enfin, que la base de données de la plateforme canadienne est conservée dans le nuage (cloud) d’Amazon Web Services. Est-ce que le géant américain va pouvoir aider à dissiper le mystère? Le contrôleur a en tout cas demandé aux tribunaux d’autoriser l’accès à ces informations.
En attendant, les théories conspirationnistes pullulent sur les réseaux sociaux, largement alimentées par des éléments troublants de l’enquête. Le quotidien The Globe and Mail a ainsi récemment révélé que le cofondateur de Quadriga était un ancien criminel condamné aux États-Unis pour son rôle dans un réseau de piratage de cartes de crédit.
Le «scandale Quadriga» tend à discréditer par amalgame l’industrie crypto canadienne. Une plateforme, même lorsqu’elle se fait appeler «bourse», ne se conforme pas nécessairement à la législation. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) insistent à ce sujet: actuellement, aucune plateforme de négociation de cryptoactifs n’est reconnue comme une bourse, ni autorisée à exercer une activité de marché ou de courtier au Canada.
Pour empêcher la manipulation du marché et d’autres pratiques préjudiciables, il est vital pour les investisseurs de s’assurer de la gestion sécurisée des fonds des clients, de la garde et de la protection appropriée des actifs, ainsi que de la protection de la confidentialité des renseignements personnels. Des processus fiables de fixation des prix et de négociation des cryptoactifs doivent aussi être mis en place, de même qu’une communication adéquate des informations pertinentes avant l’enregistrement d’une transaction.