Yves Corbeil fait son bilan
L’animateur et comédien Yves Corbeil a livré hier son premier (et fort probablement dernier) spectacle d’humour. Un exercice périlleux duquel le vétéran du showbiz québécois s’est somme toute bien tiré, non sans certaines longueurs.
Après Anne-Marie Losique, Annie Brocoli et Joël Legendre, le sympathique septuagénaire est le plus récent courageux à tenter sa chance dans le cadre de la série «Ben voyons donc» du ZooFest, qui invite des non-humoristes à venir se raconter au micro.
Bien servi par sa longue expérience d’animateur, l’humoriste d’un soir semblait tout à fait à son aise sur la grande scène du Théâtre Jean-Duceppe.
Misant davantage sur les anecdotes que sur les blagues faciles (un choix tout à fait défendable dans les circonstances), Yves Corbeil avait visiblement envie de rencontrer son public et de jaser.
«Elle est rendue ministre et moi je suis au ZooFest. Il y a sûrement quelque chose que je n’ai pas fait de correct.» Yves Corbeil, à propos de son ancienne coanimatrice à l’émission Bonjour matin, la désormais ministre caquiste Marguerite Blais
C’est d’ailleurs ce qu’il a fait dès les premiers instants de la représentation, prenant le temps, comme il l’a fait toute sa vie, d’aller saluer les gens au premier rang et de piquer un brin de jasette avec Guillaume, Gaétan et Patrick. «Bonjour, bonjour, comment ça va?»
Inattendu comme début, mais tout de même sympathique!
Malheureusement, la soirée s’est par la suite transformée en une énumération autobiographique plus ou moins captivante et manquant souvent d’humour. Si les fans inconditionnels (nombreux dans la salle) y ont trouvé leur compte, la mise en scène des Jeux sont faits, tout va bien (car c’était le nom du spectacle) aurait mérité d’être resserrée, et son contenu d’être approfondi.
Les punchs et les structures faisaient souvent défaut pour que ses anecdotes truculentes fassent mouche. Certaines ont déridé la salle, alors que d’autres sont tombées à plat.
L’histoire d’une vie
Dommage, car après tout, l’homme de 75 ans a un parcours unique, qui vaut la peine d’être raconté.
En effet, ils sont rares ceux qui ont pu partager les planches avec la légendaire Janine Sutto («une trooper qui aimait prendre un verre», selon ses dires), interviewer Scotty Bowman, doubler la voix d’Arnold Schwarzenegger, distribuer les dollars à la barre de Roue de fortune ou jouer à Fais-moi un dessin avec Dany Laferrière!
Tout cela au cours d’une vie qui, de son propre aveu, s’est amorcée difficilement. Bègue, daltonien et enfant unique, il a vu son père devenir tranquillement aveugle en raison d’une maladie.
C’est pourtant le paternel «qui lui a ouvert les yeux sur la communication et le théâtre», en l’amenant avec lui pour qu’il lui décrive les pièces.
Ç’a été le début d’une carrière qui s’est étalée sur six décennies et qui lui a permis de toucher à à peu près toutes les branches du métier: jeu, animation, publicité et doublage. Autant de domaines qui ont servi de chapitres au spectacle.
Parmi les souvenirs les plus cocasses, on note la fois où il est apparu dans une grande pièce classique la braguette grande ouverte «et la queue… de chemise bien sortie» ou celle où une participante de Roue de fortune lui a empoigné le «popotin» pendant que la petite boule faisait son chemin. On présume que le stress était en cause.
Beau moment aussi lorsqu’il s’est rappelé cette famille au bout du rouleau, qui avait sur son réfrigérateur un portrait d’Yves Corbeil aux côtés de Saint-Jude, patron des causes désespérées. La prière de ces gens a été entendue puisqu’ils ont gagné le gros lot de 250 000 $.
La soirée n’aurait pas été complète sans la chanson homonyme des Denis Drolet. Les DD n’étant pas disponibles, ce sont les Pics Bois et Massicotte (le chanteur, pas l’humoriste François) qui sont venus la chanter pour clore le tour de piste.
Une fin sympathique pour un monsieur tout aussi sympathique qui, même s’il ne fera pas le saut en humour demain, aura eu le courage de tenter l’expérience.