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«Boîte aux lettres»: chère Jackie

Boîte aux lettres
Les Hays Babies Photo: Josie Desmarais/Métro

Chère Jackie, qui que tu sois, où que tu sois, Les Hay Babies te saluent bien bas. Car la soixantaine de lettres tu as écrites à ta mère à Moncton depuis Montréal dans les années 1960 leur a inspiré leur troisième album, Boîte aux lettres, conçu comme un vibrant hommage à toi et aux jeunes femmes de ton époque.

Imagine-toi Jackie que Katrine Noël et Julie Aubé, deux des trois membres des Hay Babies, gèrent une boutique vintage à Moncton. Par le plus grand des hasards, elles ont trouvé ta correspondance dans un sac de dons. Pour elles, «c’était le best cadeau in the world», assure Katrine. «C’est tellement un bijou de recevoir ça!» renchérit sa collègue.

Lorsqu’elles et leur complice Viviane Roy ont lu tes écrits, elles ont immédiatement été inspirées par ton vécu grandiose. «Elle avait une histoire incroyable et une personnalité vraiment intense!» s’émerveille Katrine à ton sujet.

«Elle s’exprimait très ouvertement sur tout ce qu’elle vivait, poursuit-elle. Peut-être que sa mère était un peu bored à la maison et que Jackie lui faisait vivre des affaires avec ses lettres.»

Tes désirs de faire carrière en tant que mannequin ou en travaillant pour de grandes firmes, tes rencontres avec des hommes élégants, bref, tes rêves de grandeur que tu détaillais dans toutes ces missives ont impressionné ces trois jeunes Acadiennes, plus de 50 ans plus tard.

«Elle sort vraiment du stéréotype de la femme acadienne catholique de cette époque, reprend Katrine Noël. C’est kind of cool d’avoir les lettres de quelqu’un qui a grandi dans une petite maison comme nous autres, mais dont la vie ressemble plus à celle d’une icône comme Twiggy. Elle est à l’opposé du cliché de la femme qui élève ses enfants et attend que son mari revienne du travail.»

Après avoir écrit 12 chansons inspirées de tes lettres, Les Hay Babies ont d’ailleurs pris conscience de ton féminisme.

«C’est devenu un album féministe sans qu’on s’en rende compte, à cause de comment forte et indépendante était Jackie pour ces années-là», relate Viviane Roy.

Les filles ont également été séduites par ta prose. «Il y a quelque chose de fancy dans sa langue, son écriture est très romantique, poursuit la musicienne, aussi connue sous le pseudonyme de Laura Sauvage en solo. Il y a des gens qui ne passent pas par quatre chemins pour dire les choses. Elle, elle passe par sept, huit chemins! Et on sent qu’elle essaie d’impressionner sa famille back home, de leur montrer qu’elle mène la grosse vie. Disons qu’elle décrit tout ça avec des mots qu’elle n’a pas appris dans une petite école d’Acadie!»

Qui es-tu, Jackie?

Peut-être es-tu flattée, étonnée ou vexée, Jackie, que trois jeunes Acadiennes qui ne te connaissent pas réellement aient conçu un album complet à partir de ton histoire et écrit des chansons au «je» qui parlent de ton quotidien et de tes aspirations.

«Ah! J’m’appelle Jacqueline, but you can call me Jackie», chantent-elles sur l’hypnotisante chanson qui porte ton prénom comme titre.

Les musiciennes se sont même mises dans la peau de ta petite sœur sur la chanson Entre deux montagnes et dans celle de ta mère sur Same Old, Same Old, question de s’imaginer comment tes proches restés à Moncton vivaient ton éloignement.

Bien sûr, Les Hay Babies sont conscientes des limites de leur exercice. «On a quelques indices à partir desquels on a connecté les points pour recréer son histoire, raconte Viviane Roy. C’est pourquoi on se dit que, si on rencontrait Jackie, ça se pourrait qu’on soit way off! Elle pourrait ne correspondre en rien à ce qu’on pense d’elle.»

Ainsi, Jackie, tu es devenue un personnage plus grand que nature aux yeux des trois artistes. Pour progresser dans l’adaptation de ton histoire en chansons, elles se sont souvent demandé: What would Jackie do? «C’est comme si tu lisais le blogue de quelqu’un que tu ne connais pas et que tu inventais sa vie autour de ses billets», illustre la musicienne.

Et encore là, nul ne sait si la vie opulente que tu décrivais à ta mère correspondait réellement à ton quotidien.

«Dans ses lettres, elle est souvent en train de projeter l’image de ce qu’elle aimerait vivre, mais est-elle actually cette personne?» questionne Viviane Roy.

Tu te demandes peut-être pourquoi tes vieilles lettres d’une autre époque fascinent autant de jeunes Acadiennes, Jackie. C’est en partie parce que, malgré les décennies qui vous séparent, Les Hay Babies se reconnaissent dans tes aventures.

«Montréal est la place number one où nos amis acadiens veulent déménager. Même si ça fait 50 ans depuis les lettres, le Nouveau-Brunswick est encore pratiquement la place la moins développée au Canada! avance Julie Aubé en riant. Ça n’a pas beaucoup changé, c’est encore très rural, et Moncton n’est vraiment pas une grosse ville… Donc, on comprend 100% son désir de vivre autre chose.»

Ce désir, Viviane l’a réalisé, elle qui a quitté l’est du pays pour s’établir à Montréal, tandis que ses deux collègues sont restées à Moncton. «Il y a quand même plus d’opportunités en ville… Mais je ne suis pas en train de vivre une luxurious life, by all means!» blague-t-elle.

«Nous, on est pleines de bonne volonté et de bonheur; On est tombées en amour avec son personnage, mais ça veut pas dire qu’elle aimerait le portrait qu’on fait d’elle.» -Julie aubé, des Hay Babies

60’s jusqu’au bout des ongles

Musicalement, ça allait de soi, Les Hay Babies ont plongé tête première dans les années 1960, qu’elles affectionnaient déjà beaucoup. «Ça aurait été weird d’être dans le super électro pour raconter cette histoire! plaisante Katrine Noël. On y est aussi allées à fond dans nos looks. C’est un projet d’art plus qu’un album.»

Oscillant entre le rock psychédélique et la chanson française rétro, les musiciennes se sont amusées à faire divers clins d’œil à l’époque de ta folle jeunesse, notamment en parsemant leurs mélodies accrocheuses de flûte traversière. «Il y a quelque chose de très féminin dans la flûte, les triangles et les castagnettes. Il y a un petit quelque chose du personnage de Ron Burgundy dans Anchorman quand il se met à jouer de la flûte!» lance Viviane Roy en riant.

L’artiste y va d’une autre référence imagée pour décrire la riche ambiance musicale de Boîte aux lettres dans laquelle on reconnaît les couleurs vives des Hay Babies: «Il y a un côté de cette musique qui évoque la soundtrack de l’univers Playboy luxueux des années 1960. Ou comme si ton dream guy c’est Sean Connery dans les vieux James Bond.»

Tu l’auras deviné, Jackie, Les Hay Babies ont eu du plaisir à créer à partir de ton récit rocambolesque.

Si elles n’ont aucune idée de ce que tu es devenue, elles aiment imaginer que la Jackie qu’elles «connaissent» est devenue «une gentille petite mémé… ou peut-être pas!»


PS: L’album Boîte aux lettres sera disponible le 28 février. Le lancement aura lieu le 25 février au Lion d’Or

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