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Daniel Bélanger, chic et de bon goût

Photo: Pascal Grandmaison

Après l’élaboré Nous, Daniel Bélanger a voulu voir ce qu’il pourrait «faire avec trois accords» pour ses prochaines chansons. Le résultat : Chic de ville, un disque mêlant le rockabilly et le western à la pop du chanteur. «Je me suis formaté au genre et j’ai formaté le genre à ce que je fais pour être cohérent, et je trouve mon compte là-dedans», résume-t-il. Discussion avec un artiste toujours aussi pertinent après plus de 20 ans de carrière.

Il a mêlé sa pop au rock, à l’électro, au funk. Cette fois-ci, c’est vers le rockabilly et le country que Daniel Bélanger s’est tourné pour Chic de ville, qui arrive dans les bacs un peu plus de trois ans après Nous. C’est que l’artiste ne force pas l’inspiration; et cette fois-ci, l’inspiration lui est tombée dessus alors qu’il se trouvait dans un magasin de vêtements rockabilly.

«J’écris toujours un nouveau disque un peu en réaction au précédent, raconte le musicien. Après Nous, qui était un album très élaboré sur le plan des arrangements, je me suis demandé : “Qu’est-ce que tu pourrais faire avec trois accords?” Et en revenant du magasin, j’ai eu l’idée d’écrire une pièce rockabilly pour voir ce que ça donnerait.» Ça a donné Je poursuis mon bonheur, qui tourne sur les radios depuis le printemps dernier.

«Après avoir composé quatre ou cinq chansons, je me suis dit que c’était plus qu’un caprice, que ça pouvait être un album, que j’avais beaucoup de plaisir à le faire et que je n’étais pas en déficit malgré l’économie d’accords et d’arrangements.»

À partir de là, Bélanger s’est éclaté à trouver son compte dans le rockabilly, un univers a priori assez éloigné de lui : «Les textes de rockabilly, ça parle de chars et de filles! Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas, là, lance-t-il en rigolant. Mais je suis plutôt allé puiser dans le vocabulaire un peu plus country, que j’ai mélangé à mes influences rockabilly.»

Quand il parle de country, l’artiste fait référence au western québécois pur et dur, souligne-t-il : «J’ai été élevé avec ça, mon père en écoutait beaucoup quand j’étais ado… et moi, je détestais ça! Avec Chic de ville, je me suis rendu compte que mes influences étaient peut-être plus européennes, mais que j’avais aussi beaucoup de ces racines country en moi.»

L’influence du country se manifeste dans les textes, et Bélanger parle de Chic de ville comme de son album «le plus terrestre, le plus groundé» : «Les textes country québécois, ça reste toujours assez tangible, il y a une forme de naïveté, quelque chose de candide, de simple là-dedans, et ça m’a fait plaisir d’aller travailler cette simplicité-là.»

Simplicité tout de même accompagnée d’une ironie douce-amère (avec des phrases comme «Pas besoin du bonheur pour être heureux» ou «Avec mes amis je ne suis jamais seul/Mais qu’aucun ne soit jamais disponible m’est parfaitement égal») et de ces chansons sibyllines à double sens avec lesquelles Daniel Bélanger s’amuse souvent – ainsi, la chanson Sa félinité, en apparence celle d’une peine d’amour toute simple, parle en réalité d’un «pauvre monsieur qui a perdu son chat». «Ç’a été un jeu pour moi, je me suis beaucoup amusé, avoue-t-il. Ce n’était pas plus léger pour autant, mais j’ai eu beaucoup de plaisir.»

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Qui dit travailler dans le plaisir ne dit pas pour autant manquer de rigueur, et pour s’assurer de «faire le tout dans les règles de l’art», il a fait appel à un vieil ami, Michel Dagenais, «un pur et dur rockabilly, jusqu’à son bungalow des années 1950 authentique pas rénové».

«La première journée en studio, j’ai invité ses amis musiciens rockabilly à venir essayer les chansons, se souvient-il. J’étais déjà nerveux – comme souvent dans les premières journées – quand Michel m’a dit : “Tu sais, ce n’est pas toi qui les auditionnes, mais l’inverse. Ils viennent voir s’ils ont envie de travailler là-dessus.” Étrangement, ça m’a calmé. Je me suis dit que, si ça passait, je serais correct, ça voudrait dire que c’était bien fait. Et ça a passé, ils étaient heureux et surpris du résultat, et ont voulu continuer avec moi.»

Cet inversement des rôles lui a d’autant plus plu que ses musiciens abordaient l’œuvre avec des oreilles vierges, en quelque sorte : «Le contrebassiste ne connaissait à peu près pas ce que je faisais, qui j’étais – même s’il a mon âge, qu’il est québécois, francophone – et j’ai tellement aimé ça, l’idée qu’il arrive sans préjugé favorable ni défavorable! Un jour, j’avais demandé à Jim Corcoran pourquoi il était allé faire des albums à Nashville à un point de sa carrière. Et il m’avait répondu qu’à l’époque, chaque fois qu’il essayait de faire quelque chose de neuf, il y avait quelqu’un pour lui dire que ça ne sonnait pas comme du Jim Corcoran. Donc, il s’en est lassé et il est allé où personne ne le connaît, où personne ne pouvait lui dire ce qui faisait ou non Jim Corcoran. C’est un peu ce que j’ai vécu avec ces musiciens.»

Parce que, qu’on se le tienne pour dit, Daniel Bélanger n’a pas l’intention de s’asseoir sur ses lauriers de sitôt. «J’aime que ce soit un prototype chaque fois, qu’on ne sache pas ce que c’est, ce qui s’en vient, lance-t-il. J’aime conserver l’idée qu’on vient de faire un bon album, mais que, pour le prochain, tout sera à refaire. Je ne sais pas combien de temps va durer cette démarche de découverte, mais c’est quelque chose que je vais essayer de faire le plus longtemps possible.»

S’éclater avec Tremblay
Quand on lui parle de ses divers champs de créations – livres de poésie, trames sonores de films, musique pour la comédie musicale Belles-sœurs et, prochainement, pour Le chant de Sainte-Carmen de la Main –, Daniel Bélanger souligne : «Je n’essaie pas de me diversifier comme on se dirait : “Il faut que je fasse de l’exercice.” Je vais là où mes intérêts me mènent.»

Le fait de n’avoir à s’occuper que de la musique en théâtre musical plaît particulièrement à Bélanger, car il se sent «davantage attiré par la composition que par l’écriture». «Et avec Michel Tremblay, on n’a pas d’inquiétude à savoir si ça va être bon!»

Après l’immense succès de Belles-sœurs, le musicien s’est de nouveau associé à René-Richard Cyr pour «s’éclater dans l’univers de Michel Tremblay», cette fois pour présenter ce printemps Le chant de Sainte-Carmen de la Main au TNM. Un projet qui a une signification toute particulière pour lui : «Sainte-Carmen, ma pièce préférée de Michel Tremblay, la première que j’ai vue de ma vie, quand j’étais au secondaire, en 1978, raconte-t-il. C’était justement au TNM. Et 35 ans plus tard, on y présente cette nouvelle version; c’est un beau hasard!»

Chic de ville
En magasin dès mardi

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