Les théâtres reprennent leur souffle
Après trois saisons marquées par des annulations et des reports dus à la pandémie, les programmateurs des théâtres montréalais soufflent enfin. Les programmations 2022-2023 sont composées à la fois de nouvelles pièces de théâtre et de «productions survivantes» qui seront finalement présentées.
Si certains établissements, comme le Théâtre du Rideau Vert et le Théâtre Denise-Pelletier, présenteront uniquement des nouvelles productions dans la prochaine année, ce n’est pas le cas de tous.
En effet, le Théâtre du Nouveau Monde et le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui ont encore eu à reprogrammer pour cette nouvelle saison quelques pièces de théâtre qui ont été victimes des mesures sanitaires.
Coordonner les disponibilités des équipes et des comédien.nes, payer l’entreposage des éléments scénographiques, s’adapter au contexte actuel: reporter une production est un réel casse-tête puisque cela engendre des enjeux pratiques, matériels et intellectuels.
«Productions survivantes»
Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, pas moins de sept des dix pièces de la programmation 2022-2023 étaient déjà en création ces dernières années et avaient dû être reportées en raison de la pandémie.
Ce dernier rattrapage permettra au directeur artistique, Sylvain Bélanger, d’être entièrement dans un «nouveau territoire» pour la saison 2023-2024. «Ça fait trois ans qu’on ne peut pas travailler ou programmer de la façon dont on le fait habituellement, qui nous donne en temps normal une grande liberté», explique-t-il.
Pour lui, c’était malgré tout important de ne pas abandonner ces «productions survivantes», comme il les appelle. «On est une fabrique de créations, donc quand les gens développent un projet avec nous, c’est vraiment leur bébé, dit-il. Pour eux, ces projets sont hyper personnels. […] Pour moi, c’était impossible de leur enlever leur bébé de création sur lequel ils et elles ont travaillé pendant des années.»
Pièces encore reportées, mais aucune annulée
Les programmateurs des théâtres se réjouissent d’avoir pu passer à travers la crise sanitaire sans avoir eu à complètement annuler la tenue de certaines pièces de théâtre. Ces dernières devraient toutes pouvoir être jouées cette saison ou la suivante.
Au Théâtre Denise-Pelletier (TDP), seule la pièce Les Plouffe, reportée en raison du variant Omicron, devra être encore reprise dans un an.
Au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), c’est la pièce Lysis, annulée deux fois, qu’il resterait encore à présenter en 2023-2024, indique la directrice artistique, Lorraine Pintal. Et La femme qui fuit, l’adaptation du roman qui devait être jouée en janvier 2023 au TNM, sera aussi de la programmation à l’automne 2024, ajoute-t-elle.
«Mais il y a plutôt des nouveautés qui s’annoncent, donc on peut passer outre la pandémie, qui a eu des conséquences dramatiques sur l’ensemble des programmations», précise Mme Pintal.
Le public de retour
Lorraine Pintal se réjouit aussi de voir que les spectateurs et spectatrices sont déjà au rendez-vous.
Si l’équipe du TNM s’était donné un objectif réduit de 8000 abonnements, soit environ 2000 de moins qu’en temps normal, elle constate l’avoir déjà dépassé.
«On est quand même agréablement surpris de voir à quel point le public veut revenir au théâtre. Ce sont des spectacles qu’il devait voir et qu’il a manqués, particulièrement parmi nos abonnés, alors on a des commentaires assez positifs», explique-t-elle.
En effet, elle rapporte que plusieurs ont hâte d’«enfin» voir les productions reportées il y a plus d’un an, comme Le roman de monsieur de Molière, La nuit des rois ou Abraham Lincoln va au théâtre.
Bien qu’il observe la volonté des Québécois.e.s de revenir vers les arts et la culture, le directeur artistique du Théâtre Denise-Pelletier, Claude Poissant, pense qu’il va falloir être patient.e.s pour retrouver les spectateur.trice.s comme avant. «Mais on sent déjà une présence, la vente [de billets et d’abonnements] va bien», ajoute-t-il.
Toutefois, Lorraine Pintal et Claude Poissant remarquent un retour plus difficile pour le public scolaire. «Il faut aller les chercher», souligne Mme Pintal.
De son côté, Sylvain Bélanger doute que le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui connaisse le même succès qu’au printemps dernier avec Pas Perdus et Ceux qui se sont évaporés. «On est loin d’avoir rempli [la salle] pour la première production [cet automne]. Les abonnements sont légèrement en dessous de ce qu’on a habituellement», mentionne-t-il.
Or, M. Bélanger reste tout de même optimiste pour la suite et ne craint pas de nouvelles fermetures.
Pénurie de personnel
Ce qui inquiète davantage les équipes des théâtres, c’est la pénurie de personnel. À l’instar de plusieurs autres domaines au Québec, des employé.e.s se sont réorienté.e.s professionnellement.
La directrice générale du Théâtre du Rideau Vert, Céline Marcotte, déplore cette situation. «Les seuls impacts de la pandémie sur le Rideau Vert sont la peur de devoir annuler un spectacle en pleine série de représentations en raison d’un cas de COVID, et la difficulté de trouver du personnel comme placiers, par exemple», laisse-t-on savoir.
«Le recrutement dans le milieu nous inquiète. Par rapport aux techniciens, il y a vraiment eu une hécatombe», confie aussi Sylvain Bélanger.
La situation est tellement difficile qu’au moment de l’entrevue, le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui cherchait encore des technicien.ne.s pour un spectacle prévu deux semaines plus tard. «Normalement, on les a trois à quatre mois à l’avance», indique M. Bélanger.