Le «mosh pit» n’est pas mort
Avec la reprise des spectacles et la saison des festivals à nos portes, plusieurs ont hâte de se lancer dans le mosh pit, histoire de se défouler après deux années d’accalmie.
Le mosh pit est le lieu où ça brasse le plus dans une foule lors d’un spectacle. Selon le genre de musique, les mouvements qu’on y fait peuvent varier, mais de manière générale, c’est la place où tout le monde se rentre fort dedans, «pas dans un but de violence, mais d’abandon total», précise Vincent Peake, figure emblématique de la scène rock underground québécoise, chanteur de Groovy Aardvark et bassiste de Grimskunk.
«On lâche son fou, ça fait du bien», résume-t-il.
Si ça peut avoir l’air d’une bataille générale vu de l’extérieur, pour ceux et celles qui le vivent, c’est tout autre chose.
«C’est une thérapie pour faire sortir le méchant, ce qui nous frustre de la société», explique Alex Bastide, entrepreneur et fondateur des boutiques de skate et du Cabaret Underworld.
«Il y a un aspect cathartique à se lancer dans le mosh pit. Ça arrive rarement en société qu’on se donne le droit de pousser son voisin», ajoute l’autrice et amatrice de punk Jolène Ruest.
Les origines du mosh pit
Cette danse bien particulière est issue de la musique punk britannique des années 1970, alors qu’on faisait «le pogo» en sautant un peu n’importe comment. Au tournant des années 1980, le hardcore et le métal se sont approprié celle-ci de façons différentes.
À Montréal, à cette époque, les meilleurs mosh pits se trouvaient au défunt bar reggae le Rising Sun sur Sainte-Catherine Ouest et aux incontournables Foufounes électriques.
Au départ, quand ces deux groupes de mélomanes se trouvaient dans une même foule, ça pouvait causer des frictions, se rappelle Louise Girard, amatrice de longue date du mosh pit. Car ces deux groupes ne bougent pas de la même façon. Dans le pit hardcore, la foule laisse un espace vacant au milieu duquel les danseur.euse.s se lancent par petits groupes pour donner coups de pied et coups de poing dans le vide dans un mélange inspiré du karaté et du breakdance.
Dans le pit metal, on se balance plus les un.e.s sur les autres en laissant aller sa crinière mais en gardant ses pieds et ses bras plus près du corps.
Il existe ensuite une panoplie de variations et de mouvements plus précis selon le sous-genre de musique ou la région du monde où on se trouve.
Des bons et des mauvais mosh pits
Peu importe la musique qui joue, il existe de bons et de mauvais mosh pits.
«Un bon mosh pit en est un dans lequel les gens trippent vraiment sur le band ou le style de musique. Comme à la fin d’un match de hockey, on en sort en se donnant des câlins et en se disant à la prochaine», explique Vincent Peake.
«À l’opposé, un mauvais mosh pit en est un dans lequel des gens veulent se montrer plus forts, se prouver ou se battre», poursuit-il.
À la suite de l’immense succès du vidéoclip de Smells Like Teen Spirit de Nirvana, qui en mettait un en scène, le mosh pit s’est mis à attirer toutes sortes de foules, devenant du coup beaucoup plus populaire.
À partir de ce moment, ça pouvait devenir dangereux. Jolène Ruest se dit inquiète dans des spectacles trop populaires, avec des foules trop denses et compactes, où il devient difficile de relever quelqu’un qui tombe, par exemple. Cela rappelle la tragédie du spectacle de Travis Scott au festival Astroworld le 5 novembre dernier au cours duquel plusieurs festivaliers ont perdu la vie.
Quelques groupes punk, hardcore ou métal ont même refusé que leurs fans créent un mosh pit à leurs spectacles après avoir assisté à des événements malheureux.
«Les shows les plus dangereux auxquels j’ai assisté dans ma vie sont ceux où les gens n’avaient pas la connaissance sociale du pit», ajoute-t-elle.
Des règles non écrites
Car oui, malgré l’apparence de chaos, il existe des règles non écrites, un code de conduite à respecter dans le pit.
Louise Girard en énumère quelques-unes :
- Si une personne tombe, on la ramasse.
- Si quelqu’un fait un stage dive, c’est-à-dire un saut dans la foule à partir de la scène, on l’attrape, on ne se tasse pas.
- On forme le pit derrière le public des premières rangées, qui est là pour voir ses idoles et qui ne veut pas trasher.
- De manière générale, on ne pousse pas ceux et celles qui n’en ont pas envie.
Si le mosh pit est maintenant devenu grand public, les vétérans de la scène n’en sont pas pour autant découragés. «Tant que tout le monde s’amuse, moi je suis pour!» lance Alex Bastide.
Très soudés et fidèles, les membres de cette communauté continuent de fréquenter les mêmes spectacles depuis des années, où ils et elles retrouvent leurs ami.e.s et consolident cette fraternité bâtie dans le pit.