«Carmen» en réalité virtuelle
Les Grands Ballets surprennent avec Carmen, une réinterprétation du ballet lui-même inspiré par l’opéra de Bizet. Plus de 150 ans après la nouvelle de Prosper Mérimée, la jeune bohémienne est maintenant un personnage virtuel du metavers sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier.
Sous la musique de Suite Carmen par Rodion Chtchedrine, les chorégraphies éclatées d’Étienne Béchard nous font découvrir un monde totalitaire d’où s’échappent José (Raphaël Bouchard) et Micaëla (Emma Garau Cima) grâce à des lunettes de réalité virtuelle. Dans cet univers immersif, Micaëla devient Le Toréador (André Santos), alors que José se transforme en Carmen (Vanesa G.R. Montoya).
Cette proposition résolument moderne et sensuelle, appuyée par un décor composé de néons qui donnent une ambiance à la fois futuriste et digne d’un bar de danseuses, permet d’avoir ainsi deux couples de danseur.euse.s dont les mouvements se font miroir.
En jouant avec le vinyle et avec des casques plutôt que des perruques, on donne aux ballerin.e.s l’aspect de figurines de plastique tout en reprenant des codes des jeux vidéo, le ballet ayant cette capacité à incarner aussi bien l’amour que la guerre.
Surtout, Carmen suscite désormais une réflexion sur l’identité de genre. Parce que les rôles sont inversés, oui, mais aussi parce que le metavers est peuplé de gens vêtus de corsets et de jupes sans distinction de leur genre. Le mémo ne s’est cependant pas rendu à l’organisation, qui a remis des fleurs aux dames et des bouteilles aux hommes sur scène, le soir de la première. Une tradition qui perd de son sens après une telle prestation.
Un programme quadruple
Carmen ne durant que 45 petites minutes, le programme fait également place à trois autres créations qui sont, malheureusement, bien moins saisissantes.
Les vagues, sous le concerto pour violon de Stravinski, est la première chorégraphie de la danseuse Kiara Flavin pour les Grands Ballets. Inspiré par le roman éponyme de Virginia Woolf, le ballet reste plutôt sobre.
Avec Jeunehomme – titre tiré du petit nom donné au Concerto pour piano no 9 en mi bémol majeur de Mozart que joue l’orchestre durant ce court pas de deux –, le défunt chorégraphe allemand Uwe Scholz livrait quelque chose de classique, teinté d’un romantisme mélancolique.
Le spectacle se termine avec la relecture du Sacre du printemps chorégraphié par Étienne Béchard et présenté par les Grands Ballets en 2017. Dans un monde dystopique, des gens en haillons sont coincés dans un trou dont ils tentent de se sortir. Une mission impossible, puisque des figures austères et autoritaires les en empêchent… jusqu’à la révolte! Si la chorégraphie très rythmée et les décors recherchés sont réussis, le ballet est un tantinet répétitif.
Le programme quadruple de Carmen est présenté jusqu’à dimanche à la Place des Arts, à raison de deux représentations par jour.