Les femmes qui font la télé – Suzane Landry: oser par l’écran
À ses débuts en télé, à la fin des années 1990, Suzane Landry ne voyait pratiquement que des hommes dans les postes de direction, raconte en entrevue avec Métro la vice-présidente au contenu, à la programmation et à l’information chez Bell Média. Aujourd’hui, elle observe un portrait tout autre — sur les six directeur.trice.s généraux.ales relevant d’elle, quatre sont des femmes.
« Je les ai choisies [NDLR : Mélanie Bhérer, Sophie Parizeau, Lucie Quenneville et Chloé Boissonnault] parce qu’elles se sont distinguées par leurs expériences, leur expertise, leurs visions, leur passion, leur humanité aussi », souligne Mme Landry, qui avait auparavant travaillé plus de 13 ans chez Groupe TVA, où elle a été cheffe de marques et de contenu, programmation, puis directrice principale des chaînes et de la programmation.
À son avis, plus une équipe est diversifiée, plus elle fait montre d’une ouverture propice à l’innovation, aux « vrais brassages d’idées ».
Mais les contenus, « on les choisit pour la cible que l’on veut rejoindre, pas pour soi, rappelle-t-elle. On essaie de représenter la société d’aujourd’hui et, si on peut ouvrir le dialogue sur certains enjeux, tant mieux ».
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D’ailleurs, la programmation d’une chaîne généraliste est plus susceptible de refléter l’influence des femmes à ses commandes que celle d’une station spécialisée, qui a des cibles plus précises, comme Z, regardée davantage par des hommes, fait remarquer Mme Landry.
Des séries qui sensibilisent
Lorsque Métro l’interroge sur l’incidence qu’ont pu avoir ses choix sur la condition féminine au Québec, Suzane Landry cite d’éloquents exemples : Désobéir : le choix de Chantale Daigle, série fraîchement sortie sur Crave portant sur le droit des Canadiennes à l’avortement, ainsi que L’empereur, écrite par Michelle Allen (Fugueuse, Victor Lessard), inspirée par le mouvement #MoiAussi.
« Deux exemples qui dénoncent des situations et qui abordent des thématiques plus délicates, qui suscitent la réflexion », expose-t-elle, ajoutant qu’ils témoignent d’« une certaine sensibilité » de la part de son équipe.
La première série « met en scène des femmes courageuses qui ont permis aux Canadiennes de prendre le contrôle sur leur vie », affirme Mme Landry, qui a été journaliste 10 ans avant d’intégrer le milieu de la télévision en 1999 comme productrice chez Pixcom.
« Si on a voulu revoir cette histoire, c’est qu’on estime que c’est un jalon important de l’histoire des droits des femmes au Canada. Comme décideur, c’est important de se le rappeler, surtout à l’heure où le droit à l’avortement est encore attaqué et remis en question dans certains pays. C’est bon de se rappeler ce qui a été fait chez nous. »
Quant à L’empereur, qui joue également « un rôle de sensibilisation, dit-elle, la série dénonce des comportements inacceptables qui ont eu lieu à une certaine époque envers les femmes. Et ça montre que les victimes peuvent réagir de diverses façons; elles ne le sont pas moins parce qu’elles réagissent promptement ou prennent plus de temps [à réagir] ».
Rajeunir un public
Depuis que Suzane Landry est arrivée chez Bell Média en 2020, son équipe a lancé la plateforme de diffusion en continu en français Crave, la nouvelle chaîne traditionnelle Noovo (qui remplace V) et mis sur pied le service d’information Noovo Info.
Le tout au sein d’« un marché où l’écoute décroît et où les jeunes sont durs à rejoindre », explique-t-elle, fière que son équipe et elle aient réussi à rajeunir leur auditoire « en osant prendre des risques avec des contenus audacieux, actuels », sur Crave comme sur Noovo.
« C’est important pour l’avenir de la télé et de notre culture de s’efforcer de rejoindre les plus jeunes, croit-elle. La moyenne d’âge de Noovo est de 49 ans — c’est 10 ans de moins que pour la majorité des autres chaînes conventionnelles. »