«Dirty talk»: oser ou se la fermer?
Quand on pense au bavardage sexu, il y a bien sûr les clichés: les «t’aimes ça ma c*chonne» calqués de la porno et les phrases pouet-pouet apprises sur le tas. L’affaire avec le dirty talk, c’est qu’il y a toujours la peur de sonner faux ou carrément de dire un mot de trop dans une ère post-#MeToo. Entre deux publications Instagram sur le consentement, on est à même de se demander: peut-on vraiment tout dire dans la chambre à coucher? Est-il encore possible de se délier la langue sans s’enfarger dedans?
On parle, on parle… mais on parle de quoi?
Bien qu’ils existent, les clichés associés au dirty talk font généralement plus de mal que de bien en limitant nos horizons. «On associe souvent le dirty talk à des paroles humiliantes ou dégradantes, mais ce n’est qu’une option parmi tant d’autres», rappelle Emmanuelle Hébert, sexologue.
Dans sa forme libérée, le dirty talk est un puissant outil de communication qui a le pouvoir de décupler notre plaisir avant, pendant et après une relation sexuelle:
- Ça peut prendre la forme de compliments, pour faire sentir ses partenaires sexy et désirables: «j’adore ton corps», «t’es magnifique quand tu fais ça»;
- On peut l’utiliser pour encourager ses partenaires et dire qu’on en veut plus: «j’aime vraiment ça, continue», «f*ck oui c’est tellement bon»;
- Pour exprimer ce qu’on veut donner ou recevoir: «j’ai envie de passer ma langue sur tout ton corps», «prends-moi comme ça»;
- Pour incarner la dominance ou la soumission: «attends ma permission pour jouir», «j’suis à toi», et plus encore!
Reprendre le contrôle
Même si le dirty talk permet de confirmer qu’on a du fun tout au long d’une relation, il faut savoir qu’il n’est pas implicitement consensuel. Établir ses limites s’avère compliqué quand on est pris dans le feu de l’action et certains mots peuvent susciter une panoplie d’émotions intenses et inattendues.
Pour ce faire, mieux vaut avoir une discussion au préalable, conseille Emmanuelle Hébert. «Dans une relation saine, l’exploration de ses limites devrait être une source d’épanouissement, et les partenaires ont avantage à ouvrir cet espace pour s’exprimer. Ce concept est utilisé dans des démarches d’empowerment, dans une idée de se réapproprier sa sexualité sans tenir compte des attentes sociales.»
On devrait donc parler à tête reposée de ses turn-on, de ce qui nous excite et des choses qu’on aime entendre, dont on veut plus ou même des mots rough qu’on aimerait introduire dans son vocabulaire sensuel. Et bien sûr, c’est lors de ces conversations bienveillantes qu’on peut tracer la ligne et bannir certains mots plus délicats de la chambre à coucher. Un espace plus que nécessaire pour redonner leur agentivité aux survivant.e.s de traumatismes sexuels, notamment.
Au service de l’imagination
«Franchir des interdits et des tabous vient stimuler la zone de peur dans notre cerveau, qui est aussi la zone du plaisir et de l’excitation», souligne Emmanuelle Hébert. Le dirty talk nous permet donc de tremper nos orteils dans le monde du BDSM et de donner vie à des scénarios transgressifs qui ne pourraient exister que dans un contexte intime. Bien sûr, il est primordial de se doter d’un mot de sécurité (safe word) qui, doublé d’une bonne séance d’aftercare (un moment de douceur après l’acte), garantit que tout se déroule dans le respect et l’écoute.
Pour commencer en douceur, rien de mieux que les sextos pour s’habituer à verbaliser son plaisir! À l’écrit, le dirty talk est un formidable terrain de jeu créatif pour l’excitation à distance en plus d’instaurer un milieu confortable où chercher ses mots. On peut même utiliser ce qui s’est dit dans Messenger pour amorcer des conversations chaudes IRL: «J’ai bien aimé ce que tu décrivais hier, ça te tenterait qu’on essaie ça ensemble?»
Le mot d’ordre
Avec un peu de pratique, le dirty talk nous donne la chance de matérialiser nos fantasmes, d’attribuer un thème ou une couleur particulière à nos relations sexuelles et nous offre même la possibilité d’explorer des dynamiques de pouvoir de manière sécuritaire. Alors exit la peur d’être cringy (malaisant) ou de dire les mauvaises choses, puisqu’il en va de notre bien-être sexuel de verbaliser notre fun avant, pendant et après nos relations sexuelles. Comme le dit si bien Emmanuelle Hébert: «La communication, c’est sexy!»