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Lituanie: pèlerinage à la colline des croix

Photo: Métro

C’est muni d’un crucifix qu’on se rend en Lituanie.

Non pas parce que le plus populeux des pays baltes – avec ses quelque 3,5 millions d’habitants – est également un des plus religieux d’Europe, mais bien parce qu’on y trouve un des hauts lieux de la résistance lituanienne contre la domination étrangère, la colline des croix. Selon la tradition, tout voyageur peut venir y déposer sa propre croix. L’endroit se trouve en pleine campagne lituanienne, bien loin des rues animées de la capitale, Vilnius.

En voiture, il faut compter une dizaine de minutes pour rejoindre la colline depuis Šiauliai, la quatrième ville du pays. Les plus valeureux pèlerins, eux, franchiront à pied les 15 km séparant la colline des croix (Kryžių Kalnas, en lituanien) du centre de la ville.

L’origine du site remonterait à l’annexion de la Lituanie par la Russie en 1795. À la suite d’un soulèvement contre le tsar Nicolas 1er en 1830-1831, l’endroit devient peu à peu un mémorial où on érige des croix en l’honneur des victimes tombées aux mains de l’oppresseur.

Lors de l’occupation soviétique du pays, de 1945 à 1990, Kryžių Kalnas acquiert une dimension symbolique encore plus grande. Farouchement opposés à toute forme de religion, les Soviétiques auraient rasé la colline des croix à plusieurs reprises, tentant même d’en interdire l’accès à l’aide de barbelés, de gardes armés, de chemins inondés… Rien n’y fit. Chaque fois que les croix disparurent, les Lituaniens revinrent à la charge.

Si les croix s’accumulent librement depuis les années 1980, la colline n’est pas aussi imposante qu’on pourrait le croire. À l’approche du site, le voyageur rêvant d’immensité doit vite revoir ses attentes; haute de quelques mètres seulement, la colline porte bien son nom. Elle n’en impose pas par sa taille, mais bien par son abondance.

Des croix, partout des croix. L’œil met du temps à s’habituer au fouillis inextricable d’objets de toutes sortes qui recouvre la colline. Des énormes crucifix de quelques mètres de haut jusqu’aux allumettes reliées par un élastique, en passant par les rangées de cailloux grossièrement alignés, tous les moyens sont bons pour déposer sa croix à Kryžių Kalnas.

Impossible, toutefois, de les dénombrer. Les statistiques les plus fiables font état de 60 000 croix d’au moins 1 m de hauteur sur le site. Pour les plus petites, c’est peine perdue. Considérant qu’à presque chaque grande croix pendent une infinité de chapelets, de rosaires, d’effigies et de crucifix de toutes les tailles imaginables, il ne serait pas exagéré de dire que le site en compte près d’un million, un nombre qui augmente chaque jour.

Vous n’avez pas apporté de croix, mais voulez tout de même participer à l’expansion de la colline? Ne vous inquiétez pas. Intérêt touristique oblige, Kryžių Kalnas a ses propres vendeurs d’articles religieux. Fort heureusement, la colline des croix n’est pas pour autant envahie par des hordes de touristes.

Sur l’étroit escalier qui scinde la colline en deux et par lequel on se fraye prudemment un chemin entre les amoncellements de croix, on aperçoit surtout des Lituaniens. Certains contemplent en silence la singulière beauté du site, d’autres marmonnent des prières devant les statues qui jalonnent le parcours. Le calme est tel que, lorsque le vent se lève, on n’entend plus que le cliquetis des grappes de chapelets qui se cognent entre elles ou contre les croix, plus grandes, qui les supportent.

On a l’impression d’entrer en communion, pas forcément avec quelque chose de religieux, mais avec un puissant geste d’affirmation, répété ici des millions de fois au cours de l’histoire.

Tradition

La tradition veut que tous les pèlerins passent par la cathédrale des Apôtres-Saint-Pierre-et-Saint-Paul, à Šiauliai, avant ou après leur visite à la colline des croix pour prier et confesser leurs péchés. L’église, reconnaissable à son immense tour, à son extérieur blanc et à ses toits orange, a été construite au 16e siècle. Les curieux pourront voir sur sa façade sud un des plus vieux cadrans solaires observables en Lituanie.

Lire aussi: Tartu, l’âme culturelle de l’Estonie

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