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Piétonnisation de l’avenue du Mont-Royal: qu’en pensent les commerçants trois ans après?

La fermeture de l'avenue du Mont-Royal s'étend sur 2,3 kilomètres dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Photo: NicolasMcComber, iStock.

C’est en été 2020 que l’avenue du Mont-Royal est devenue piétonne pour la première fois, dans le cadre du Plan de déplacement estival de la Ville de Montréal. À l’époque, le projet visait à faciliter le respect de la distanciation physique entre les passants en temps de pandémie, et a permis à plusieurs commerçants de voir leur achalandage remonter après plusieurs mois de crise sanitaire.

Le coronavirus aujourd’hui presque oublié, l’avenue du Mont-Royal reste encore piétonne cet été, et le sera certainement pour les prochaines années à venir.

Comment les commerçants du quartier perçoivent-ils l’impact de la piétonnisation de l’avenue du Mont-Royal sur leur commerce, trois ans après son instauration? Métro a pris le pouls de la situation en échangeant avec six commerçants.

Une clientèle différente

Parmi les six commerçants interrogés, tous constatent que la piétonnisation de l’avenue attire une clientèle différente que celle qui est présente le reste de l’année. «La rue piétonne ramène beaucoup de personnes qui habitent dans les environs et qui profitent de la rue fermée pour faire leurs achats», explique Mélissa, propriétaire de la boutique de vêtement pour femmes Folie Douce.

Pour Marilou, propriétaire du magasin de fleurs Kyoto Fleurs, la piétonnisation ramène des personnes qui se promènent et qui découvrent les boutiques au fur et à mesure de leur balade. «Cela permet de faire découvrir aux Montréalais et aux touristes des commerces qu’ils n’auraient jamais découverts autrement», pense Marilou.

La propriétaire de la boutique Folie Douce constate d’ailleurs que les personnes de passage effectuent beaucoup plus souvent des achats impulsifs. «L’un des aspects positifs est qu’il y a des clients qui avaient l’habitude d’aller se promener au centre-ville qui maintenant s’en éloigne pour venir ici», souligne Mélissa, qui dit également se sentir plus en sécurité lorsque la rue est piétonne.

Pour les deux boutiques, la piétonnisation n’a cependant ni diminué ni augmenté leur achalandage, ce qui n’a pas eu d’impact signifiant sur leur chiffre d’affaires.

Les commerces de destination désavantagés

Contrairement aux restaurants, aux bars, aux cafés et aux commerces de proximité, ce sont les commerces de destination qui semblent le plus pâtir de la piétonnisation de l’avenue chaque été.

C’est le cas d’un magasin de matériaux qui existe depuis une quinzaine d’années sur l’avenue du Mont-Royal, dont nous ne préciserons pas la spécialité par souci d’anonymat. La propriétaire, que nous nommerons Alice, dit connaître une baisse de 30% de son achalandage durant la semaine. «Notre situation est très particulière, car nous vendons des choses très spécifiques, ce qui veut dire qu’on ne peut pas uniquement se fier à la clientèle du quartier», avance Alice.

Plusieurs clients venant de loin auraient délaissé l’enseigne depuis la piétonnisation de l’avenue, et d’autres ne reviendraient seulement qu’à l’automne, lorsque l’avenue réouvre à la circulation. «Cela a clairement un impact sur notre chiffre d’affaires l’été. Nos clients ont besoin d’une certaine accessibilité pour venir chercher leur matériel, on a donc des clients qui ont arrêté de venir», raconte-t-elle.

Pour la propriétaire, c’est aussi une question de durée. L’avenue du Mont-Royal est devenue piétonne plus tôt cette année, puisqu’elle sera fermée à la circulation pour un total de 107 jours. L’été dernier, elle l’était pour 90 jours. «Je comprends le principe des rues piétonnes. Moi-même, je n’ai pas de voiture, mais je trouve la durée extrême. Ce serait bien d’avoir un juste-milieu et de faire preuve de bon sens, même si je n’ai pas la solution exacte», explique Alice. Des employés devaient d’ailleurs être embauchés pour l’été, mais ne le seront finalement pas, par manque de clientèle.

Mon opinion sur la piétonnisation est mitigée, puisqu’en tant que citoyenne, j’adore le concept, mais en tant que commerçante, disons que je n’irais pas militer pour en avoir quand je sais que ça peut faire fermer mes voisins.

Marilou, propriétaire de la boutique Kyoto Fleurs.

Un problème d’accessibilité?

Pour les six commerçants, une grande amélioration serait à effectuer au niveau de la circulation locale pendant la piétonnisation, qui représenterait un défi particulier, notamment en termes d’accessibilité.

Pour Tara Vidosa, manager générale de la boutique de crèmes glacées Péché Glacé, c’est surtout pour les livraisons que cela pose problème. «On fait régulièrement des livraisons à des restaurants qui nous prennent 5 minutes en temps normal, mais durant l’été avec la piétonnisation, ça nous prend 40 minutes de plus», affirme-t-elle. Cette dernière explique aussi que certains de ses employés qui ne vivent pas à côté de la boutique peuvent prendre jusqu’à une heure pour trouver un stationnement pour leur voiture.

Pour Patrick, le directeur de la boutique de vinyles Aux 33 Tours, les alentours de l’avenue manquent de stationnements. «Avoir plus d’espaces de stationnement serait souhaitable, pense Patrick. Je sais que ce n’est pas évident en termes d’urbanisme dans le secteur, mais ce serait vraiment un plus pour les employés qui tournent en rond chaque matin». Pour Samuel, propriétaire de la boutique de vêtements d’occasion Lazy Vintage, se baser sur les principes de rue partagée pourrait représenter une solution. «C’est du côté logistique qu’il y aurait de l’amélioration à faire», est d’avis Samuel.

Un point fort pour l’attractivité du secteur

Tous semblent cependant reconnaître les efforts fournis par la Société de Développement de l’Avenue du Mont-Royal pour attirer la population sur l’avenue. «La Société de Développement met tout en œuvre pour informer la population des événements qu’elle organise sur l’avenue, et cela amène du public», affirme Mélissa de la boutique Folie Douce. Cette année, la Société a pour objectif de faire de l’avenue un nouvel espace collectif développé autour des thèmes de la rencontre et de la socialisation.

«Depuis 3 ans, il y a une hausse de l’achalandage qui est notable, et on constate un retour en force du tourisme à Montréal», assure Claude Rainville, directeur général de la Société de développement de l’avenue du Mont-Royal. Le concept de rue piétonne attirerait aussi de nouveaux commerces sur l’avenue. Selon monsieur Rainville, il y aurait eu en 2018 14.5% de locaux commerciaux vacants sur l’avenue, contre 5 à 6% aujourd’hui. «C’est quand même un indicateur positif de l’artère commerciale», souligne-t-il.

Même s’il se dit heureux de la visibilité que la piétonnisation donne à la Ville de Montréal et au quartier, il reconnaît tout de même la réalité que peuvent vivre certains commerces. «L’impact de la piétonnisation est à géométrie variable, puisque cela dépend du modèle d’affaire de chaque commerce. C’est clair que si on veut faire évoluer notre modèle d’affaire sur l’avenue, ça nécessite aussi un changement d’habitudes, et malheureusement, la lutte contre les changements climatiques amène son lot de défis».

La Société de Développement de l’Avenue du Mont-Royal se dit à l’écoute des usagers et des commerçants et ainsi responsable de leur expérience. C’est pourquoi elle compte réaliser en septembre une étude auprès des commerçants pour connaître leur chiffre d’affaires annuel, afin d’évaluer l’impact de la piétonnisation sur une année complète. Une étude sera également réalisée en août auprès des piétons pour savoir quel moyen de transport ils ont utilisé pour se déplacer.

Selon Claude Rainville, il n’y a jamais plus de 10 à 12% des personnes interrogées qui disaient venir en voiture sur l’avenue du Mont-Royal, même s’il reconnaît que certains commerces peuvent avoir un pourcentage de clients automobilistes beaucoup plus élevé que la moyenne.

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