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Rire des complotistes ou de la santé mentale? Une limite facilement franchie

Photo: Josie Desmarais/Métro

Bien que l’humour fasse du bien en temps de crise, rire des complotistes et des militants contre les mesures sanitaires peut avoir des conséquences importantes dans les cas où la santé mentale est en jeu. Un youtubeur promet d’ailleurs de faire plus attention après une blague qui a attiré l’attention de certains.

Dominic Cusson, Dominic DomC sur Facebook, publie des sketchs humoristiques sur sa chaîne YouTube dans lesquels il incarne, entre autres, des personnages complotistes ou s’opposant aux mesures sanitaires. «J’ai commencé à faire ça juste pour détendre l’atmosphère. Ma perception à moi, c’est que l’humour dédramatise tout, peu importe le sujet», explique-t-il en entrevue avec Métro.

Une des vidéos passe du sketch à la réalité. En se faisant passer pour un allié complotiste, Dominic Cusson a rejoint le direct d’un homme qui manifestait contre le couvre-feu à Québec le 16 janvier dernier.

Alors que l’opposant aux mesures sanitaires se fait interpeller par la police, DomC encourage l’homme en le bombardant de faussetés. «Attention, ce sont des apôtres de Satan! […] Regarde dans leurs yeux, c’est rouge», dit-il notamment en se moquant de l’homme visiblement en panique.

La vidéo, qui se voulait légère, a été signalée à Métro par une personne qui soupçonnait la présence d’enjeux de santé mentale. Nous l’avons montrée à la Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue, professeure et conférencière.

La vidéo a dérangé la psychologue, qui souligne que ce genre d’attitude ne fait qu’amplifier l’angoisse vécue. «Quand on est dans une frange plus psychotique, on ne veut absolument pas augmenter cette angoisse. Si j’ai quelqu’un qui est dans des enjeux paranoïaques ou qui a une grande crainte de l’autre, on ne veut absolument pas qu’il se sente plus menacé», souligne-t-elle.

Rire d’une personne en détresse, un risque

Selon la Dre Beaulieu-Pelletier, une partie des gens qui adhèrent aux théories du complot doivent composer avec des enjeux de santé mentale. «Ils peuvent être dans une frange psychotique. Mais il faut faire attention de ne pas catégoriser tout le monde comme étant là-dedans», précise-t-elle. 

Dans ce contexte, la psychologue affirme qu’il faut éviter de se moquer d’eux. «De rire, de ridiculiser et de parodier en ce moment, ça fait peut-être du bien à des gens qui ne sont pas complotistes. Mais en même temps ce n’est pas positif du tout pour les gens qui adhèrent à des théories du complot», poursuit-elle.

Dominic Cusson convient que ses blagues ont peut-être empiré la situation. Il affirme qu’il ne répétera pas l’expérience consistant à s’infiltrer dans des directs de personnes anti-mesures sanitaires.

Mon but, c’était de le faire une fois pour dédramatiser. Ce n’était aucunement pour rire de la personne parce que d’abord je ne la connais pas.

Dominic Cusson, youtubeur

D’ailleurs, après s’être fait passer pour l’un des leurs, DomC raconte que le complotiste a commencé à lui envoyer des versets de la Bible par message privé. C’est à ce moment que M. Cusson a réalisé que l’homme n’allait pas bien. «Dès lors, j’ai arrêté tout ça et j’ai communiqué avec les personnes compétentes dans le domaine pour l’aider», ajoute-t-il.

Contre-productif dans tous les cas

D’ailleurs, rire des complotistes qui sont en parfaite santé peut aussi être contre-productif.

La Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier explique que ce sont souvent des personnes ayant vécu du rejet avant même la pandémie. «Ces personnes ne se sentent pas nécessairement incluses dans le discours social. Quand on arrive dans des moments de crise, comme elles ne s’identifient pas [à la majorité], elles réagissent», affirme-t-elle. 

Une partie de ces personnes peuvent aussi avoir eu un parcours où elles ont vécu du contrôle, ce qui fait en sorte qu’elles vivent mal les moments de crise qui nécessitent des mesures de contrôle, ajoute-t-elle.

En effet, la Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier mentionne que les moqueries ne font qu’ostraciser davantage cette partie de la population. «Ça va cristalliser ou alimenter encore plus leurs enjeux psychologiques. On vient juste mettre de l’huile sur le feu», dit-elle.

C’est aussi l’avis de l’experte en psychologie sociale Roxane de la Sablonnière. Dans un contexte social de division entre les différents groupes sociaux, il faut faire doublement attention à ne pas nourrir cet écart. «De rire des gens qui sont différents de nous peut encourager ce clivage», dit-elle. 

Au bout du compte, même si on est en désaccord avec les complotistes, si on comprend qu’il peut y avoir des enjeux psychologiques derrière, on est en train de rire de la souffrance de quelqu’un et de l’alimenter dans ses croyances, explique la Dre Beaulieu-Pelletier. «La personne va se camper et se polariser de plus en plus. Ça n’aide absolument pas», ajoute-t-elle.

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