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Faut-il vraiment dévoiler son genre pour de simples achats?

Photo: Gracieuseté - Alexe Frédéric Migneault

Il n’y a pas que les documents officiels qui affectent le statut et le quotidien des personnes qui s’identifient comme non binaires. Chaque jour, iels se trouvent forcé.es de mentir ou de dévoiler leur sexe assigné à la naissance pour de simples achats parce que les formulaires en ligne obligent les internautes à choisir entre «Monsieur» ou «Madame». L’accumulation de microagressions de ce type affecte leur santé mentale, dénoncent certains.

Que ce soit lors d’un achat ou d’une inscription, Alexe Frédéric Migneault, qui s’identifie comme une personne non binaire, n’en peut plus d’être mégenré.e.

Alexe Frédéric ne compte plus les fois où iel* a demandé qu’on rende le champ «monsieur ou madame» facultatif, qu’on ajoute une troisième option ou qu’on «ne lui en colle pas un automatiquement» tout simplement.

Par exemple, pour s’acheter des billets pour l’expérience Illumi, à Laval, Alexe Frédéric Migneault doit obligatoirement s’identifier comme une «madame» ou un «monsieur». Après avoir tenté de joindre l’équipe pendant plusieurs semaines, Alexe a finalement obtenu une réponse: on ne changera pas le champ «madame/monsieur», pour cette saison-ci du moins, lui a-t-on indiqué. 

«On m’a donc invité.e à me présenter sur place et à me croiser les doigts qu’il reste des billets, tout simplement, faute de pouvoir en réserver sans se faire gracier d’un monsieur/madame. Voilà un autre exemple d’offre de service qui n’est pas au courant qu’il existe des gens qui ne sont pas exclusivement des monsieurs ou des madames, et qu’il faut prendre le temps d’“éduquer”… ou alors se taire, si pas se laisser exclure totalement», déplore-t-iel. 

Je veux juste aller voir des lumières. Ça nous ferait du bien, à moi et à mon enfant. C’est stupide qu’on nous exclue de la vie artistique de cette façon.

Alexe Frédéric Migneault

Impacts sur la santé mentale

L’activiste en droit trans au Centre de lutte contre l’oppression des genres Celeste Trianon indique que de demander obligatoirement à quelqu’un de dévoiler son sexe est une violation à la fois de la vie privée et de la dignité de la personne. «Ça exige de révéler son sexe assigné à la naissance ou de mentir complètement», explique-t-elle.

C’est aussi l’avis de la responsable des communications pour la Coalition des familles LGBT, Marie-Danièle Dussault, qui s’identifie comme une personne non binaire. 

Selon elle, l’utilisation de titres genrés force des personnes non binaires à faire un coming out, et se dévoiler de cette façon a un impact sur leur santé mentale. «C’est ce qu’on appelle les microagressions. Vu de l’extérieur, ça peut sembler banal et qu’on a juste coché l’un ou l’autre, mais quand on se fait répéter chaque jour que notre identité n’existe pas et qu’on est un intrus, c’est lourd à porter», explique Marie-Danièle Dussault.

Avoir le droit d’exister, c’est une question de santé mentale. 

Marie-Danièle Dussault, responsable des communications à la Coalition des familles LGBT

En effet, la santé mentale d’Alexe Frédéric Migneault se fragilise toujours plus. Iel affirme se retrouver isolé.e, sans ressources et ignoré.e. 

Celeste Trianon et Marie-Danièle Dussault ajoutent que les champs «monsieur ou madame» sont problématiques puisque c’est une collecte de données non nécessaire dans la plupart des cas. Mme Trianon cite en exemple parmi d’autres le formulaire de taxation. «Québec est la seule province au Canada qui exige le sexe de la personne pour faire ses taxes», poursuit-elle.

Une question d’argent?

Marie-Danièle Dussault estime que c’est l’argent qui retient des organisations de changer leur manière de faire. «Il y a des coûts associés à mettre une troisième option [aux champs «monsieur ou madame»]. C’est pour ça qu’on ne change pas. On priorise donc les sous de la compagnie ou l’effort de travail à faire sur la santé mentale des gens», déplore-t-elle.

Selon Celeste Trianon, ce n’est pas qu’une question monétaire. «Je pense que c’est juste de la paresse. Bien sûr que ça coûte de l’argent de corriger quelque chose, mais c’est vraiment un manque de respect. Ce n’est pas aussi difficile que ça le semble», dit-elle. 

La responsable des communications à la Coalition des familles LGBT Marie-Danièle Dussault évoque même une transphobie «systémique». «On garde des vieux systèmes et des vieilles façons de faire parce que c’est plus simple», pense-t-elle. 

Celeste Trianon souligne qu’il faut dénoncer ces pratiques afin de convaincre les personnes responsables de changer les choses dans le but d’améliorer la qualité de vie des personnes non binaires.

*Pronom personnel non binaire de la troisième personne du singulier utilisé par Alexe Frédéric Migneault

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