Le DAW («Délire Anti-Woke»)
CHRONIQUE – Vous connaissez le DAW? Non? Simple acronyme pour l’escouade omnipotente, prisée et omniprésente du «Délire Anti-Woke».
Difficile ou impossible, en fait, de passer une seule journée sans que ces mêmes Wokes ne soient responsables d’une néo-plaie d’Égypte.
T’es d’avis que le concept de racisme systémique, tel que prouvé ou admis par la commission Viens, la Commission des droits de la personne, le SPVM ou la GRC, existe? Woke. Fier membre de la communauté LBGTQ? Woke. Fâché que le gouvernement Legault refuse de reconnaître le Principe de Joyce, soit celui accordant à tous les Québécois l’accès aux mêmes soins de santé? Woke. La claque sur la gueule de Will Smith? Woke. Contre le 3e lien? Woke. Tu refuses le récit nationaliste-de-la-majorité-blanche-catho-toujours-victime-et-sans-reproches? Woke.
D’aplomb.
Les Wokes seraient partout, ainsi donc. Une invasion sauce zombie, mais saveur Justice Warrior. L’une écrit que telle émission est un repère de Wokes. L’autre, plus original, les envoie dans l’espace.
Maintenant paniqué par autant de bruit ambiant, je regarde autour de moi: suis-je la prochaine proie? Suis-je moi-même, par inadvertance, membre de la tribu maudite? Ça se soigne, le cas échéant, doc?
Dubitatif, je cherche encore. Fouille et refouille. Or, les illustrations (par excellence) invoquées par le DAW émanent… d’ailleurs:
Un fabricant de jouets qui choisit de retirer la bizoune de sa patate en plastique? Panique à bord.
Le fils de Superman qui préfère les mecs aux nanas. Panique à bord.
Une crinquée ontarienne s’amusant à brûler stupidement des Tintin et Astérix au nom d’Autochtones n’ayant rien demandé? Panique à bord.
Un nouveau pronom dans Le Petit Robert? Panique à bord.
Le retrait de certaines écoles des superbes livres Maus, exceptionnels afin de comprendre l’Holocauste? Panique à… euh non. Aucune mention. Pas assez à gauche, comme délire, probable.
***
Est-ce à dire que le phénomène du wokisme, ou plutôt ses dérapages, sont absents du territoire québécois? Bien sûr que non.
On l’a vu lors du saccage de la statue de John A. Macdonald, sise à la Place du Canada. Mais ai-je pleuré de voir l’hommage à cet incorrigible raciste, incluant envers les Québécois.es, être ainsi dégommé? Pas le diable.
On l’a vu aussi lorsqu’une poignée d’étudiant.es mal avisé.es a cloué au pilori la prof Lieutenant-Duval, de l’Université d’Ottawa. Mais outre le fait que l’affaire se passe à nouveau hors Québec, résumons cette dernière à ceci: l’écrasement honteux d’un recteur face à deux, trois talibans, refusant d’ailleurs d’entendre la version de la principale intéressée.
On l’a vu également à même le rapport de la commission Cloutier, recensant divers cas de censure et d’autocensure dans le milieu universitaire. Inquiétant au point d’enfoncer dans la gorge de ses institutions une loi imposant la… liberté académique? Hormis l’ironie, allez savoir.
On l’a vu enfin dans la récente controverse des Chaires de recherches du Canada, cette fois à l’Université Laval. Un dérapage comme un autre? Pas si certain. Plutôt un rééquilibrage des forces en présence.
Comme le rappelait Joseph Yvon Thériault lors de la récente saga, plusieurs jeunes québécois francophones ont bénéficié de cette même discrimination positive, notamment en matière de bourses d’étude à l’étranger ou d’embauches ciblées. Dixit le prof: «On appelait cela à l’époque avoir une politique de recherche.»
Et aujourd’hui? Du racisme anti-blanc ou invasion woke.
En bref, si le dérapage est potentiel, son phénomène est non seulement caricaturé, mais spectaculairement exagéré.
Vivement, donc, le DAW.
Pratique pour réécrire le lexique public et rigoler de la victimisation d’autrui.
Avant de s’autovictimiser à son tour.
Pratique pour concentrer nos énergies collectives sur des trivialités.
Et éluder la discussion sur de vrais enjeux, le réchauffement climatique et la montée de l’extrême droite en Occident, au premier chef.
Pratique pour patenter, brindille par brindille, l’homme de paille.
Et ensuite varger dessus, plein temps.