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CHSLD: critiqué durant la première vague, un exploitant de nouveau pointé du doigt

Le CHSLD Vigi Marie-Claret, dans Montréal-Nord
Le CHSLD Vigi Marie Claret, dans l'arrondissement Montréal-Nord Photo: Josie Desmarais/Métro

L’entreprise Vigi Santé, qui exploite 15 CHSLD privés au Québec, se retrouve de nouveau sous le feu des critiques en raison d’une éclosion dans Montréal-Nord. Déjà, lors de la première vague, l’exploitant avait tardé à éteindre l’incendie dans ses établissements montréalais.

Au bout du fil, Nia Morfonios a la voix étranglée par l’émotion. Sa mère, Olga Sarlis, une résidente du CHSLD Vigi Mont-Royal, a perdu la vie le 28 avril dernier, quelques jours après que la COVID-19 eut franchi les portes de l’établissement. Début mai, près de 70 personnes avaient succombé à la maladie dans cet établissement montréalais.

Mme Morfonios pointe du doigt le modèle d’affaire derrière Vigi Santé, l’entreprise qui administre le CHSLD Mont-Royal. Selon elle, les services administrés par des sociétés privées n’ont plus raison d’être.

«Je me demande s’ils infligeraient ça à leurs propres mères. Les services sont minimes. Ils ne veulent que faire du profit», relate-t-elle.

La solution, selon elle? Que Vigi Mont-Royal passe dans le réseau public. «On serait en meilleure position si le gouvernement se chargeait de tout ça», poursuit sa soeur, Evangelina, qui a déposé en mai dernier une demande d’action collective contre l’exploitant.

«Il y a eu de la négligence. J’ai vu des résidents manquer de nourriture.» – Nia Morfonios, fille d’une ancienne résidente du CHSLD Vigi Mont-Royal

Vigi Santé, une entreprise dirigée par Vincent Simonetta, détient cinq établissements montréalais. Trois autres ont dû composer avec des éclosions durant la première vague. Au début du mois de mai, dans le CHSLD Vigi Dollard-des-Ormeaux, une soixantaine de personnes avaient perdu la vie.

De nouvelles flambées

Aujourd’hui, l’entreprise est toujours en activité. Et son dernier CHSLD épargné à Montréal a atteint le sommet de la liste des foyers pour aînés les plus infectés du Québec.

Dans Montréal-Nord, 88% des résidents du CHSLD Vigi Marie-Claret ont la COVID-19. Tout près d’une quarantaine d’employés ont contracté le virus, forçant la direction régionale de Santé publique et le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal à envoyer des renforts.

Le président-directeur général adjoint de Vigi Santé, Jean Hébert, convient que «la contamination communautaire» dans le secteur pourrait avoir atteint l’établissement.

«C’est un CHSLD qui est vétuste, propice à ce que la COVID-19 se propage», ajoute-t-il.

«On était très étonnés de voir que, la première fois, il n’y avait pas eu de cas» à Marie-Claret, répond d’emblée la présidente du secteur privé de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQP), Sonia Mancier. Cette dernière représente plusieurs des infirmières qui travaillent dans l’établissement nord-montréalais.

En discutant avec la Santé publique, la centrale syndicale s’est fait dire que le premier cas à Marie-Claret aurait été détecté le 10 décembre. À mesure qu’elle voit les feux se répandre, la représentante de la FIQP se sent obligée de pointer du doigt un phénomène: l’appel au personnel d’agences privées.

«Vigi tourne avec du personnel d’agence qui n’est pas affecté à Marie-Claret du lundi au dimanche. On a encore du personnel qui se promène d’une zone à une autre», affirme Mme Mancier.

Mais Marie-Claret n’a pas le choix, souligne M. Hébert.

«La priorité, c’est donner des soins à nos résidents, affirme-t-il. Quand on fait appel à des agences, on s’engage sur une longue période pour s’assurer d’avoir un personnel stable.»

«Outillés»

Jean Hébert soutient que les CHSLD Vigi sont «mieux outillés» aujourd’hui. Aux proches des résidents morts à la première vague, il offre ses condoléances.

«À chaque fois qu’on perd un résident, on fait preuve de compassion. Notre défi, c’est de garder tous nos résidents. C’est notre réputation, signale-t-il. Mais on fait face à une pandémie mondiale, une situation exceptionnelle.»

Selon Sonia Mancier, les débordements de la première vague chez Vigi sont symptomatiques des méthodes de gestion de l’exploitant.

«C’est un employeur qui a beaucoup de difficultés à recruter. Il a un problème de rétention du personnel. Alors, ce qu’il a fait durant la première vague, c’est qu’il l’a promené, le personnel», lâche-t-elle.

D’après Evangelina Morfonios, il n’y avait carrément plus assez de personnel pour prendre soin des résidents.

«Quand ma mère est arrivée à l’hôpital, elle était dans un état terrible», affirme-t-elle.

Dans un récent rapport d’étape, la protectrice du citoyen, Marie Rinfret, pointait du doigt le déplacement de personnel comme une des raisons de l’hécatombe de la première vague dans les centres de soins longue durée.

«En mémoire de ma mère»

Nia Morfonios soutient que sa famille a entamé des procédures judiciaires «en l’honneur et en la mémoire» de leur mère. En mai prochain, la Cour supérieure statuera sur la validité du recours collectif.

Les avocats de la poursuite, dont Me Patrick Martin-Ménard, allèguent que Vigi Mont-Royal n’a pas assuré une ventilation efficace durant la première vague.

«Ça aurait contribué à générer un taux d’infection de 100% des résidents», souligne l’avocat en entrevue avec Métro.

Le second reproche des avocats derrière l’action collective allègue que l’exploitant n’a pas appliqué les lignes directrices du ministère de la Santé et des Services sociaux en matière de protection et de prévention.

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