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Harry Benson: six décennies de clichés inoubliables

Photo: Michael-Oliver Harding


Avec son impressionnante feuille de route, allant de l’assassinat de Bobby Kennedy aux batailles d’oreillers des Beatles, le célèbre photographe Harry Benson revient sur une carrière animée par le désir immuable de capter la vérité.

«Tout le monde aime se faire photographier. Personne ne veut passer sa vie sans laisser de traces. Et tu ne t’habilles pas de la sorte pour passer inaperçu.» Devant une poignée de journalistes réunis à la Galerie Got Montréal, dans le Vieux-Port, l’éminent photographe Harry Benson revenait récemment sur plus de 60 années de carrière, notamment sur son travail de documentation le Ku Klux Klan en Caroline du Sud, pendant qu’il était sous contrat avec le magazine LIFE.

Jusqu’au 28 mai, la Galerie Got Montréal présente Harry Benson: Personnes d’intérêt, la toute première exposition québécoise consacrée à ce grand photographe, aujourd’hui âgé de 87 ans. L’écouter raconter son fascinant parcours devient en quelque sorte une leçon d’histoire du XXe siècle : émeutes raciales et lutte pour les droits civils des années 1960, revendications de l’IRA (l’Armée Républicaine Irlandaise), assassinat du sénateur Bobby Kennedy et la visite très médiatisée du général Charles de Gaulle – celle du fameux «Vive le Québec libre!», en 1967.

«Lorsque de Gaulle était sur le balcon, personne n’entendait vraiment ce qu’il disait, se souvient Benson. Mais on s’attendait à ce qu’il le dise, c’était prévu. Le mec qui nous l’a confirmé était du London Daily Telegraph. Je ne sais pas s’il l’a inventé, mais nous l’avons tous utilisé.» Ce jour-là, Benson se souvient que le président de la république française avait enchaîné les rencontres dans les écoles et les associations à Montréal. «J’étais avec lui et il circulait dans un véhicule ouvert. Quelques années après l’assassinat de Kennedy, le consensus était que les véhicules ouverts n’étaient pas sécuritaires, mais il s’en balançait. Les personnages comme lui n’existent plus aujourd’hui, malheureusement.»

«Je n’ai jamais été du genre à photographier Nixon avec un objectif grand angle pour lui donner un gros nez. Ça, c’est un coup bas! Mais je ne suis pas l’ami ou le relationniste de quiconque non plus. Je photographie les choses comme je les vois. Point.» –Harry Benson

Fait surprenant, lorsqu’on considère l’ensemble de son œuvre, on comprend que cet Écossais de naissance n’a jamais voulu photographier les musiciens et autres vedettes de l’époque. Au début de sa carrière, les assignations dites «people» ne l’intéressaient guère. Mais après avoir accompagné les Beatles pendant leur tournée nord-américaine, il a vite constaté qu’un nombre important d’occasions l’attendait de l’autre côté de l’Atlantique. C’est pourquoi il a déménagé à New York, où il vit d’ailleurs depuis plusieurs décennies. «C’est à ce moment que j’ai dû prendre une décision : soit je suis là pour travailler, soit je deviens une personnalité publique comme les Beatles. Pour ma part, ce que les Beatles pensent de moi ne m’importe guère. Il n’a jamais été question de tisser des liens d’amitié avec les gens que je suis,  même si j’ai réussi à obtenir leur confiance.»

De passage à Montréal seulement quelques jours après avoir reçu le prix Infinity de l’International Center of Photography à New York pour l’ensemble de sa carrière, Benson nous a fait part des innombrables personnalités publiques et artistiques qui se sont prêtées au jeu du portrait devant sa lentille: l’auteur Truman Capote, le joueur d’échecs Bobby Fischer et le président Nixon (ainsi que les 12 derniers chefs d’État américains). Reste qu’il n’a jamais particulièrement souhaité intégrer le star-système de nos voisins. «Nous entretenons l’image [des célébrités], nous contribuons à maintenir leur notoriété. Je crois que nous sommes beaucoup trop gentils avec eux. C’est pourquoi j’aime le fait que les paparazzi pourrissent leur vie de temps en temps. Certaines vedettes sont sympas, d’autres de purs connards.»

Et quand à Trump, qu’il connaît depuis maintenant 40 ans, quel est son verdict sur l’homme qui enflamme et exaspère les esprits quotidiennement depuis le début de l’année? «Il ne te laisse jamais repartir bredouille. Il rend ton boulot de journaliste ou de photographe très facile. Il est rusé, ce piece of shit.» Et que dire de son portrait, réalisé en 2014, du couple Donald-Melania, dans lequel la première dame pose lascivement, jambes dénudées reposant dans les (petites!) mains de Trump? «Ce n’est certainement pas Pat Nixon, Rosalynn Carter ou mamie Eisenhower qui se seraient portées volontaires pour une telle photo!»

Harry Benson: 
Personnes d’intérêt
À la Galerie Got Montréal 
(50, rue Saint-Paul Ouest)
Jusqu’au 28 mai

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