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Imaginarium: Se révéler à un étranger

Photo: Josie Desmarais/Métro

Sur la promenade des Artistes du Quartier des spectacles, François Grisé invite les passants à faire une pause et à briser le rythme effréné de la vie moderne pour se confier à lui. Avec le projet Imaginarium s’amorce la vaste enquête du comédien sur le fait d’exister et le fossé entre les générations.

Quand ses parents ont élu domicile dans une résidence pour personnes âgées, François Grisé a voulu comprendre pourquoi de plus en plus d’aînés se voyaient imposer cet isolement par leurs familles. En quête de réponses, le comédien a pris la route de l’Abitibi pour vivre deux mois aux Jardins du Patrimoine, une maison pour aînés de Val-d’Or. Dans les balançoires, semblables à celle de l’installation, il s’est imprégné des histoires des résidants. «À la fin, les gens venaient d’eux-mêmes me parler», se rappelle-t-il.

Au fil des conversations, il perçoit un motif récurrent qui le mène à créer un questionnaire. Pendant cinq jours, il recueille les impressions de personnes volontaires sur des sujets aussi délicats que la famille, la mémoire et la mort. Ceux qui attendent leur tour auront droit à un parcours en sons et en images des témoignages récoltés jusqu’ici.

François Grisé a déjà recueilli près d’une centaine de voix, dont certaines se retrouvent sur les réseaux sociaux du projet. Très intime, l’entrevue déterre toutes sortes d’émotions et de souvenirs. «J’ai ordonné les questions de manière à créer rapidement un lien de confiance. Les réactions sont très diverses, car ce ne sont pas des questions auxquelles nous sommes habitués de répondre.»

Une halte philosophique
Plusieurs peuvent se sentir vulnérables ou inconfortables à l’idée de se révéler ainsi à un étranger et à son enregistreuse. Or, François Grisé tient à garder le secret sur ses sujets et ses questions. «Si vous voulez connaître les questions, vous devez venir vous asseoir avec moi», affirme-t-il, énigmatique. La participation à l’exercice demeure aussi entièrement anonyme grâce à la signature d’un contrat de confidentialité.

S’arrêter une quinzaine de minutes, c’est long dans la vie des Montréalais. «Les gens doivent réfléchir et prendre le temps d’y penser. Ce sont des moments qui sont devenus très rares aujourd’hui, remarque François Grisé. On rencontre des gens, on organise des rendez-vous, on joue le jeu social, mais c’est rare qu’on ait l’occasion de vraiment partager notre vie et nos souvenirs.»

«S’il y a quelque chose que les personnes âgées ont, c’est du temps. Ils n’ont pas besoin de prendre le temps, ils cherchent plutôt à passer le temps, à se rendre utile avec le temps qui leur est imparti.»-François Grisé

Le tabou de la vieillesse
Une centaine de pages de verbatims et une soixantaine d’heures d’images vidéo plus tard, François Grisé est convaincu que la société québécoise ne veut pas parler de la mort. «Les très rares fois où on parle de vieillesse dans la sphère publique, ce sont dans des considérations très ponctuelles, mais ça demande une réflexion beaucoup plus profonde. Il y a une complète déresponsabilisation de notre vieillesse», déplore-t-il. 

À la fin de l’expérience, les témoignages vont probablement faire l’objet d’autres œuvres, notamment dans le cadre d’une exposition. Imaginarium est le premier volet du cycle Vivre vieux, entrepris par l’artiste. La pièce Tout inclus sera présentée en octobre 2019 à Montréal et à Québec, tandis que l’œuvre d’art performatif Les vieux sera complétée l’année suivante.

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