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Amsterdam: la rencontre des générations

Jean-François Pronovost incarne Jacques Brel dans la pièce Amsterdam. Photo: Josie Desmarais/Métro

Belgique, 1947. Au lendemain de l’Occupation allemande, Jacques Brel s’ennuie dans la cartonnerie familiale. C’est à cette époque charnière, où il écrit les premiers couplets qui vont le propulser vers le panthéon de la chanson française, que se situe l’action de la production québécoise Amsterdam.

À partir de ces faits vécus, la trame narrative imaginée par Mélissa Cardona entre par la suite dans le domaine de la fiction. Jacques Brel (Jean-François Pronovost) est ici entouré d’une dizaine de personnages peuplant ses textes: Mathilde, Madeleine, Fernand, Rosa, et bien d’autres.

Étonnamment, Brel est un cancre à l’école. Mais grâce à l’un de ses professeurs, il découvre les classiques, du Don Quichotte de Miguel de Cervantes au Petit Prince d’Antoine de St-Exupéry. Des chansons inoubliables comme La quête s’enracinent dans ces lectures formatrices.

«Sa manière de manier les mots est chargée d’une invitation à rencontrer l’autre, et c’est quelque chose dont on a encore besoin aujourd’hui.» Jean-François Pronovost, interprète de Jacques Brel dans la pièce Amsterdam, à propos de l’écriture du célèbre chanteur belge.

À la même époque, il commence aussi à écrire des pièces de théâtre qu’il monte avec ses camarades de classe. Quelques décennies plus tard, Jean-François Pronovost chantera Mathilde pour son cours de chant, après une enfance bercée par les disques de Brel, qu’aimait beaucoup son père.

La première mouture d’Amsterdam voit aussi le jour sur les bancs de l’école, au cégep de L’Assomption, où Mélissa Cordona dirige la troupe de théâtre étudiant RéAction. L’engouement se révèle si fort que la pièce est achetée par les Productions Jean-Bernard Hébert.

En entrevue avec Métro, Jean-François Pronovost, l’interprète de Jacques Brel, est convaincu de la pertinence du chansonnier en 2019.

«Le monde est confronté à beaucoup d’instabilité politique. Brel est le produit de la Deuxième Guerre mondiale, il a vécu l’Occupation, donc la majorité de ses chansons sont chargées d’un appel à l’amour, et ce, dans toutes les sphères du sentiment, estime celui qui s’est fait connaître pour son rôle de Passe-Montagne dans la nouvelle mouture de Passe-Partout. [Brel] évoque évidemment l’aspect romantique, mais aussi la fraternité et l’amitié. Sa manière de manier les mots est chargée d’une invitation à rencontrer l’autre, et c’est quelque chose dont on a encore besoin aujourd’hui.»

Le comédien aime tout particulièrement la chanson qui donne son titre au spectacle, qu’il chante en duo avec Élodie Bégin, qui s’est fait connaître l’année dernière à l’émission La Voix. Il porte également Le plat pays dans son cœur: «C’est un hymne belge, de la même manière que l’est Gens du pays de Gilles Vigneault pour les Québécois. Quand je l’écoutais auparavant, elle ne m’évoquait rien de particulier, puis c’est en la chantant à des Belges au Gesù que j’ai senti toute l’ampleur de la pièce», se souvient le jeune homme.

Une complicité de longue date avec le Québec
Une rétrospective sur Brel a tout à fait sa place au Québec, surtout quand on sait que le chansonnier a visité la Belle Province plus d’une fois au cours de sa carrière. Il s’est produit à la Comédie Canadienne, l’ancien TNM, de 1961 à 1966, et y a également fait escale pendant sa tournée d’adieu en 1967 pour y offrir 16 récitals.

De plus, si Jacques Brel suit la tradition de la chanson française avec d’autres chefs de file comme Georges Brassens et Léo Ferré, il a aussi été fortement influencé par le répertoire québécois. «Selon ses mémoires, Félix Leclerc a grandement inspiré Brel quand il l’a vu en tournée en Europe. Il dit avoir été transformé par le parolier, et c’est lui qui lui aurait donné envie de houer de la guitare et d’écrire des chansons à texte comme il l’a fait. Il y a donc dans ses chansons un peu de nous. Les thèmes auxquels il s’attaque ont une portée universelle, puis son intensité et sa générosité ont fini de conquérir le Québec», croit Jean-François Pronovost.

Pour jouer un monument comme Brel, le comédien a fait le pari de conserver une liberté dans le jeu. «On connaît peu de choses sur la vingtaine de Jacques Brel. Il n’avait pas l’ampleur qu’on lui connaît à la fin de sa carrière, donc mon défi est d’imaginer un Brel à cet âge-là avec un minimum de documentation. Je ne cherche pas à l’imiter, mais plutôt à lui faire un clin d’œil en allant chercher le souffle, le phrasé, la façon dont il mord dans les mots, l’intensité et la théâtralité qui le caractérisent. Cela dit, la pièce est surtout fidèle à la grandeur du personnage, parce que nous sommes 11 comédiens sur scène. C’est la force du groupe chantant en harmonie qui rend l’intensité palpable», explique l’interprète.

Cet attachement à l’essence de Brel a fort probablement poussé la fille de Jacques Brel à libérer les droits des chansons pour la création de la pièce. Une dizaine de dates demeurent à confirmer pour le début de l’année 2020, mais la tournée Amsterdam risque fort de se poursuivre.


Amsterdam

Jusqu’au 10 août au Théâtre du Nouveau Monde

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