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L’homosexualité sur le banc de touche

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Brock McGillis (à gauche) rencontre de jeunes athlètes pour les sensibiliser à la discrimination à l’égard des membres de la communauté LGBTQ+. Photo: ONF

Le film Franchir la ligne traite d’un sujet encore tabou en 2019, celui de l’homosexualité dans le sport. Métro a pu en discuter avec le réalisateur Paul Émile d’Entremont et deux anciens athlètes professionnels gais.

Combien de sportifs de haut niveau ouvertement homosexuels pouvez-vous nommer? Un? Deux? Difficile de répondre? Quelle serait maintenant votre réponse à cette seconde question: d’après vous, combien de joueurs de hockey évoluant ou ayant joué dans la Ligue nationale de hockey (LNH) ont fait leur coming out? C’est simple, absolument aucun. 

On peut donc légitimement se demander pourquoi, à l’aube de 2020, le sujet de l’homosexualité dans le sport demeure un tabou indéboulonnable. 

Paul Émile d’Entremont, lui-même gai, brise avec Franchir la ligne l’omerta qui règne, et le résultat est bluffant de vérité. Entre les commentaires des coéquipiers, les pressions liées à la performance et celles du choix ou non de la prise de parole, les athlètes homosexuels souffrent.   

Pour Brock McGillis, le hockey est toute sa vie. C’est aussi la raison qui l’a conduit à se battre contre lui-même jusqu’à envisager le suicide. Lui qui a été un espoir de la ligue junior majeure de l’Ontario a longtemps adopté le comportement stéréotypé et conformiste d’un joueur de hockey: faire la fête, passer beaucoup de temps sur la glace et… rencontrer le plus de femmes possible. Mais le soir venu, lorsqu’il se retrouvait seul chez lui, les larmes coulaient. 

«Je me détestais au point de ne plus avoir envie de vivre», confie-t-il avec une vive émotion. 

Insultes quotidiennes

«Les mots utilisés dans les vestiaires, environnement extrêmement macho, me donnaient également envie de ne plus être moi-même», ajoute Brock McGillis. 

Pour ceux qui ne seraient pas familiarisés avec les entraînements, on apprend dans Franchir la ligne que le langage utilisé par les sportifs entre eux est homophobe et dégradant, reflétant la masculinité toxique – et bien souvent inconsciente – qui s’en dégage. 

Dans le film, on voit ainsi Brock McGillis aller à la rencontre de jeunes hockeyeurs québécois pour qu’ils se rendent compte de l’impact de leurs mots. 

Le réalisateur Paul Émile d’Entremont a d’abord été surpris de constater «que certains gars dans la salle n’avaient jamais rencontré de personnes homosexuelles dans leur vie». Bref, le chemin de la sensibilisation est long, mais certainement pas vain. 

«À la suite de cet échange, un des jeunes est venu voir Brock et lui a déclaré qu’il ne savait pas que ce qu’il pouvait dire sur la glace avait autant de conséquences, par exemple, lorsque les insultes homophobes fusent, poursuit le cinéaste. Il a fini par dire qu’il allait arrêter son manège et surveiller son langage. Des petits gestes comme ça peuvent faire de grandes différences.»

La mission est presque accomplie pour Paul Émile d’Entremont, ou en tout cas, elle débute bien.

Une pression nuisible

L’ancien joueur de l’Impact de Montréal David Testo avoue lui aussi avoir été malheureux et avoir lutté contre ce qu’il était pendant sa carrière sportive. 

«Être un athlète professionnel n’a pas été l’expérience la plus épanouissante de ma vie. Si on m’avait laissé librement être un homme gai, me marier, amener mon compagnon aux réceptions, parler de ma relation avec mes coéquipiers, oui, évidemment, cela aurait été plus agréable pour moi. Et j’aurais sûrement été plus performant sur le terrain.» 

Ce qu’on constate d’ailleurs dans le documentaire, c’est que toute cette pression rhétorique peut avoir des répercussions néfastes sur les performances individuelles et collectives. 

«C’est certain qu’un joueur accablé par les insultes va être affecté et ne va peut-être pas jouer avec tout son potentiel, soutient Paul Émile d’Entremont. Je suis sûr qu’il y a beaucoup de sportifs homosexuels qui avaient du talent, mais qui ont abandonné parce que c’était trop difficile.»

Que sa carrière avec l’Impact ait pris fin au moment où il a décidé de parler publiquement de son homosexualité a été le point culminant de la souffrance de David Testo. 

«J’avais l’impression que, soudainement, on ne faisait plus attention à moi. On m’a même dit: “Si tu es bon, on s’en fout que tu sois gai.” C’est ce que tout le monde pense. Et pour moi, c’est complètement faux.» 

En fin de compte, l’optimisme est de mise. Brock McGillis estime que le documentaire peut contribuer à faire évoluer la culture du hockey pour «la rendre plus inclusive tout en montrant que les personnes LGBTQ+ sont bien différentes de ce qu’on voit dans les émissions de téléréalité et existent parmi les athlètes». 

De son côté, David Testo espère que l’homosexualité des sportifs ne sera plus problématique. Quoi qu’il en soit, partout où il est présenté, le film éveille l’intérêt «des gens qui veulent en savoir plus. C’est positif et ça pourrait peut-être ouvrir la conversation», conclut Paul Émile d’Entremont, enthousiaste. 

Avant Franchir la ligne, le cinéaste Paul Émile d’Entremont a réalisé cinq documentaires depuis les années 2000, dont plusieurs ont été récompensés. L’homophobie est un thème récurrent de sa filmographie. 

  • Originaire de Caroline du Nord, David Testo a évolué avec l’Impact de Montréal entre 2007 et 2011. Sa carrière au sein de la MLS s’est subitement arrêtée l’année
    où il a révélé son homosexualité. Depuis, il s’est considérablement éloigné du monde du sport.
  • Ancien joueur de la Ligue de hockey de l’Ontario, Brock McGillis a aussi joué en Europe et aux États-Unis. Il est le premier hockeyeur professionnel à avoir fait son coming out. Il est maintenant un influent porte-parole de
    la cause LGBTQ+.

Franchir la ligne

Samedi 15 h, au cinéma Alexandre-de-Sève de l’Université Concordia, dans le cadre du Festival IMAGE + NATION.

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