Soutenez

Rebelle avec cause

Photo: Métropole Films

Dans Rebelle, Kim Nguyen raconte un moment dans la vie d’une enfant-soldate, utilisée comme «sorcière» par l’armée des rebelles.

L’été dernier, le réalisateur québécois Kim Nguyen (Le marais, Truffe) s’envolait pour le Congo, où il allait tourner son quatrième long métrage, Rebelle. Le film a depuis été notamment applaudi au festival de Berlin, où la jeune comédienne congolaise Rachel Mwanza a remporté l’Ours d’argent de la meilleure interprétation féminine. Discussion avec un cinéaste dont la carrière prend un nouveau tournant.

Sachant que le film s’intéresse aux enfants-soldats, on s’attend à quelque chose d’assez dur, mais au final, le film est tout de même lumineux, malgré le propos. Était-ce votre intention?
De plus en plus, j’essaie de ne plus avoir d’intention. J’essaie d’être dans le moment de la scène, de ne pas penser à avant et à après, de ne pas trop me préoccuper de la continuité des scènes. Et de fil en aiguille, j’ai réalisé qu’il y a, en fait, beaucoup de luminosité en Afrique. Il y a beaucoup de choses qu’on a à apprendre, entre autres la solidarité… et l’art de faire la fête!

Et d’où est venue l’envie de faire un film sur ce sujet?
J’ai été frappé par une histoire vraie, qui est devenue un mélange entre la réalité et la fable. C’était l’histoire d’un enfant qui, un jour, s’est réveillé et a dit : «Je suis l’incarnation de Dieu. Prenez mes enseignements, et on va gagner les batailles. Et pendant plusieurs mois, personne de son armée n’est mort. C’est un peu la genèse.

Votre personnage principal est cependant féminin…
Oui! Quelque chose qui m’a longtemps agacé, c’est que dans la plupart des films qu’on faisait sur des situations dans des pays africains, le héros était un Occidental qu’on devait prendre en pitié. Alors que les vrais héros de ces tragédies, ce sont les gens qui habitent ces pays. J’ai donc voulu faire un film sur les personnes les plus frappés sur Terre, c’est-à-dire ces enfants qui se font enlever par les rebelles, qui tombent enceintes à la suite d’un viol… Ce sont les personnes les plus rejetées sur Terre; dans plusieurs pays, quand on se fait violer, on est considéré comme responsable.

Sauf pour la narration, le film est tourné en lingala. Ça ne vous a pas fait peur?
Ça me faisait plus peur de tourner en français! On aurait pu le faire, mais ce n’est pas la langue là-bas… ça aurait sans doute sonné bancal.

Hormis sa participation à un documentaire, c’était la première apparition au grand écran de Rachel Mwanza…
Oui! Il y a deux choses qui me rendaient nerveux en arrivant au Congo : allions-nous trouver la bonne Komona? Il n’y avait pas de film sinon. Et puis, il y avait les fantômes. [NDLR : des personnages peints en blanc qui représentent les esprits des défunts.] Est-ce que ça allait fonctionner, ou être cucul? Tout le monde avait très peur des fantômes. Mais on voulait vraiment cet aspect très palpable, pas fait en postprod…

L’aspect surnaturel est peut-être un peu moins présent dans Rebelle que dans vos films précédents. Est-ce que vous sentez que vous amorcez un nouveau cycle?
Oui, vraiment. Il y avait une volonté de casser le moule, de me débarrasser de certains trucs que, moi-même, j’avais accumulés par insécurité, à cause de la pression des producteurs… J’avais le désir de me reconnecter à mes instincts… et d’accepter que c’est possible que je me casse la gueule!

***

Créer son personnage
Quand le comédien québécois Ralph Prosper s’est fait proposer le rôle du boucher dans Rebelle, c’est d’abord la perspective d’aller en Afrique pour la première fois qui l’a séduit, affirme-t-il en rigolant. «Ça ne pouvait pas être le scénario… puisqu’on l’a reçu environ 48 heures avant le départ!, se souvient l’acteur. Il a fallu apprendre un peu le lingala avant de partir, mais on n’avait que nos répliques, pas le reste du scénario.» Ralph Prosper a également beaucoup apprécié la liberté qu’il a eue de pouvoir créer un personnage pratiquement de toutes pièces. «C’est le rêve de tout comédien, dit-il. Kim m’avait expliqué la prémisse, et avec ces éléments-là, j’ai créé ma propre histoire.»

Et tourner principalement avec des enfants qui en étaient à leur première expérience de tournage? «J’adore les enfants; j’ai donc pu mettre un peu de moi-même dans le personnage, dit-il. Cela dit, c’était vraiment cool. Les enfants, là-bas, ont vécu tellement de choses qu’ils ne se laissaient pas complexer par la caméra. Ils avaient une telle intensité qu’on n’avait pas le choix de hausser notre niveau de jeu pour arriver au même niveau d’énergie que celui des jeunes acteurs.»

Rebelle
En salle dès le 20 avril

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.