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«Haute démolition»: humour toxique 

Étienne Galloy incarne Raph, un jeune humoriste de la relève, dans la série «Haute démolition». Photo: Danny Taillon

L’auteur à succès Jean-Philippe Baril Guérard récidive avec une seconde série adaptée d’un de ses romans. Et comme on ne change pas une formule gagnante, Haute démolition – relayée à l’antenne de Série Plus à compter de ce soir – est produite et réalisée par la même équipe que celle derrière Manuel de la vie sauvage, diffusée l’an dernier.  

Cette fois, ce n’est pas le monde de la technologie, mais plutôt le milieu de l’humour pré-mouvement MeToo qui passe sous le tordeur. Raph (formidable Étienne Galloy), un humoriste de la relève dont la carrière lève aussi mal qu’un pain sans gluten, rencontre Laurie (charmante Léane Labrèche-Dor), l’assistante du gérant d’artistes pas trop fin Forand (délirant Éric Bernier). Ensemble, ils se mettent à écrire des gags qui ouvrent à Raph des portes qui semblaient scellées à jamais.  

Leur relation sera aussi brève que fusionnelle. Pas de divulgâcheur ici, puisque cette rupture, qui survient assez tôt dans l’histoire, est la source de la déchéance qui suivra, Jean-Philippe Baril Guérard ayant l’habitude de faire tourbillonner ses personnages jusqu’à ce qu’ils touchent le fond… parfois pour qu’ils se donnent l’élan de remonter à la surface. 

Aller dans les extrêmes 

«Raph va être pris dans une relation toxique avec Laurie, même s’il ne va pas poser des gestes qui pourraient faire qu’il soit dénoncé. À partir du moment où elle va le quitter, il va vouloir se venger», annonçait le réalisateur Christian Laurence lors d’une rencontre avec les médias la semaine dernière.  

«C’est une série sur ce qu’on fait pour être aimé», notait quant à lui Jean-Philippe Baril Guérard. Ses œuvres s’interrogent souvent jusqu’où les gens sont prêts à aller, que ce soit pour défendre une idée (Vous êtes animal), pour réussir (Manuel de la vie sauvage) ou pour conserver leur statut social (Royal, qui devrait finalement être adapté à la télévision plutôt qu’au grand écran). 

Les thèmes de prédilection de l’auteur – comme l’anxiété de performance, les milieux hyper exigeants et la consommation qui en découle – ont la belle part dans Haute démolition. Alcool et drogues circulent dans les soirées où Laurie et Raph se tiennent, phénomène observé également dans la vraie vie, indique le coproducteur exécutif Louis Morissette. 

«Quand on est jeune, il y a toujours de l’alcool, confiait-il aux médias. Les premières soirées, pour se donner le courage de monter sur scène, je ne connais pas beaucoup de comiques qui y vont dry. Il faut que tu masques tes peurs et ton anxiété. En vieillissant, tout ça te rattrape: c’est les pilules et, un jour, tu n’es juste plus capable de monter sur scène.»  

De Sylvain (Michel Charette), humoriste de la vieille école qui noie son anxiété dans la médication, à Sam (Samuel Gauthier), étoile montante qui profite de son succès en comptant ses sachets de cocaïne, l’abus de consommation ne semble pas épargner grand monde.  

Un boys club 

Si le milieu de l’humour est encore beaucoup un boys club, bien que ça tende à s’améliorer, ce n’est pas le cas de la série. C’est notamment dû au fait qu’on a abandonné le principe narratif du livre, dans lequel Laurie racontait à Raph toute leur histoire au futur. 

«Ça en fait un vrai personnage et non pas un genre de voix mystérieuse qu’on tient à un bras de distance comme dans le roman, ce qui était un choix, mais ça ne marchait pas dans l’adaptation qu’on voulait faire», explique Jean-Philippe Baril Guérard. Il a tout de même laissé un petit Easter egg à ses lecteur.trice.s dans le premier épisode, Laurie lançant à la blague avoir le don de voir dans le futur.  

Mais les personnages féminins de Haute démolition «n’ont pas le choix de jouer la game», comme le dit le réalisateur. Assez tôt, on comprend que Laurie se retrouve à distribuer les chèques de son boss aux victimes de ses poulains qu’il cherche à silencer.  

Malgré la dureté des thèmes abordés, la série a quelque chose de très léger. Tournée en été et remplie de couleurs qu’on troque volontiers contre les images désaturées qui semblent omniprésentes dans notre télé, la nouveauté mise évidemment sur une bonne dose d’humour.  

À cet effet, il faut souligner le travail de Suzie Bouchard, humoriste et autrice qui a contribué au scénario, principalement aux stand-ups, beaucoup plus présents qu’ils ne l’étaient dans le livre. Elle a su insuffler à chaque personnage – qui, à l’exception d’un rôle confié à Erich Preach, ne sont pas joués par des humoristes – son propre ton. Plus encore, elle a su faire évoluer leur style au rythme de leurs numéros, qui se professionnalisent avec le temps.  

Haute démolition est diffusée les jeudis, à 21h, sur les ondes de Série Plus à compter d’aujourd’hui. Il est également possible de rattraper gratuitement Manuel de la vie sauvage sur le site du diffuseur.  

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