Le bonus, vraiment un incitatif?
Parmi l’ensemble des pratiques de rémunération instituées dans les entreprises, le fameux boni a-t-il perdu de son attrait? On peut se poser cette question en observant les effets somme toute assez faibles des incitatifs financiers sur le degré d’engagement des employés. Jean-François Bertholet, CRHA, chargé de cours à HEC Montréal et consultant en développement organisationnel, nous éclaire.
Les primes et les bonis peuvent-ils encore influer sur la mobilisation des employés?
En entreprise, on a manifestement atteint la limite des effets du boni. De nos jours, ils sont vus comme un acquis par les travailleurs et ils n’accroissent que très rarement leur engagement, et ce, d’autant plus que l’impôt en prélève une bonne partie et qu’il en reste moins dans les poches des salariés.
De plus, on sait que la rémunération incitative fonctionne davantage dans le cas des postes où les tâches sont répétitives. Pour les gens dont les tâches sont plus complexes, il y a peu d’effets positifs.
La prime incitative peut-elle avoir des effets pervers
Oui, car non seulement elle coûte cher aux entreprises, mais elle peut aussi susciter des comportements contre-productifs. Par exemple, un vendeur qui touche une prime incitative sera peut-être motivé à accroître ses ventes, mais il ne se souciera pas nécessairement de la qualité du service à la clientèle ou du service après-vente. De la même façon, une rémunération trop élevée a pour effet d’attirer des personnes qui s’intéressent avant tout à l’argent et non pas à leur travail en tant que tel, ce qui pose des risques.
Alors, quelle est la solution?
Il faut sortir de la logique transactionnelle. Les entreprises devraient s’efforcer de verser un juste salaire à leurs employés, établi en fonction de ce qu’ils valent vraiment, au lieu de miser sur les primes. Mener des enquêtes sur la rémunération dans son secteur d’activité constitue une bonne pratique afin de fixer des barèmes.
Cela dit, les gens sont rarement satisfaits de leur salaire… Il existe d’ailleurs un biais égocentrique qui fait en sorte que lorsqu’on se compare, on a tendance à surestimer son propre apport à une organisation et à minimiser celui des autres employés.
Mais l’argent n’est pas tout : il y a aussi tout ce qui relève de la satisfaction au travail, de la possibilité de se développer et de progresser professionnellement, de se voir confier des responsabilités, etc.
Lorsque les employés se sentent bien traités par leur organisation, sont-ils davantage disposés à faire des compromis en matière de rémunération?
Le fait qu’une entreprise réponde aux aspirations de ses employés, qu’elle leur confie des responsabilités, qu’elle reconnaisse et valorise leurs compétences, constitue un levier aussi efficace – sinon plus – que l’argent.
Il y a quelques années, on a aussi vu des entreprises installer des machines à espresso et des tables de billard ou aménager des salles de relaxation pour leurs salariés. À mes yeux, c’est la cerise sur le gâteau. Mais encore faut-il qu’il y ait effectivement un gâteau sous la cerise ! Autrement dit, cela doit servir à couronner une base de bonnes pratiques.
Ce texte est tiré de Revue Gestion.