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Femmes autistes: du mal-être au diagnostic 

Rachel Fontaine (à gauche) et Valérie Jessica Laporte (à droite) ont attendu plus de 30 ans avant de recevoir leur diagnostic d'autisme. Photo: Gracieuseté, Rachel Fontaine - Photo: Hélène Claveau

Errance médicale, erreurs de diagnostic, incompréhension, mal-être… Avant d’obtenir un diagnostic, les femmes autistes connaissent souvent un parcours complexe, semé d’obstacles et, surtout, très long. Deux femmes ayant reçu tardivement un diagnostic d’autisme témoignent pour ne plus être invisibles.

Valérie Jessica Laporte est autiste. Connue sur le web sous le nom de Bleuet Atypique, elle travaille aujourd’hui à faire de la sensibilisation et de la vulgarisation au sujet de l’autisme, notamment sur TikTok, où elle compte plus de 212 000 abonnées. 

Pourtant, elle n’a pas toujours été une spécialiste du sujet. Après une vie à cacher sa différence, ce n’est qu’à 38 ans que Valérie Jessica a reçu, enfin, son diagnostic.  

Une histoire qui résonne avec celle de la comédienne Rachel Fontaine (interprète de Maria Lopez dans Radio Enfer), qui, à la suite d’une longue errance, a finalement découvert qu’elle était autiste à l’âge de 40 ans.  

«Folle», «niaiseuse», «sorcière» 

Pour les deux femmes, le diagnostic, bien qu’il ait pu faire peur dans un premier temps, a été un grand soulagement. Enfin, des mots justes étaient posés sur leur expérience, leur différence et leurs difficultés.  

«Plus jeune, j’ai vu des psychologues, des médecins, des psychiatres qui ont parlé de trouble social, de trouble d’opposition… L’autisme n’a jamais été évoqué», raconte Valérie Jessica. En entrant au cégep, consciente des grosses difficultés sociales qu’elle vit, elle décide d’aller consulter le psychologue de l’établissement dans l’espoir d’être aidée.  

«C’était très psychédélique, se souvient-elle. Il était loin de voir un potentiel handicap et m’a dit que j’étais probablement une sorcière.» Par la suite, convaincue que quelque chose ne va pas chez elle, Valérie Jessica fait tout pour cacher ses difficultés, allant jusqu’à s’isoler complètement pour «s’effacer» le plus possible.  

Tout comme elle, Rachel trace son chemin d’enfant, d’ado et d’adulte en masquant sa différence. Entre sa carrière d’actrice et celle de son ex-mari, le réalisateur Daniel Roby, elle mène une vie effrénée qui lui demande sans cesse de s’adapter.  

Toute ma vie, j’ai pensé que j’étais niaiseuse parce que tout ce qui était facile pour les autres était difficile pour moi.

Rachel Fontaine

«J’ai accouché de mon beau garçon, Elliott, et la carrière de Daniel a boomé à l’international. On a déménagé et, quand je suis arrivée à Paris avec mon petit bébé et tous ces changements, mon cerveau a lâché», explique la comédienne. 

Épuisée psychologiquement, elle ressent alors une grande détresse et ne comprend pas ce qui lui arrive. «Tous mes sens étaient complètement exacerbés, j’entendais et je sentais tout de manière amplifiée. C’était très dur, je pensais être devenue folle et je ne voyais plus de solution», se rappelle-t-elle.  

Les femmes et l’autisme invisible  

Des histoires comme celles-ci, la psychologue, sexologue et spécialiste de l’autisme Isabelle Hénault en a entendu beaucoup. C’est que les erreurs de diagnostic et les diagnostics tardifs ne sont pas rares chez les femmes autistes.  

«Historiquement, les formulaires d’évaluation en vue de poser un diagnostic d’autisme ont été développés pour des profils masculins, rapporte-t-elle. Ça a souvent mené à des diagnostics erronés, par exemple de bipolarité ou de trouble de la personnalité limite, ou à l’absence de diagnostic.» 

Ces formulaires ne tenaient notamment pas compte du fait que les femmes ont généralement moins de difficulté à socialiser et ont tendance à camoufler davantage leurs traits autistiques.  

Les femmes autistes sont parfois de véritables caméléons qui adoptent plusieurs rôles: au travail, avec leurs enfants, avec leurs amis. Sauf que ça leur coûte beaucoup d’énergie et ça peut causer de l’anxiété et mener à la dépression. Elles finissent souvent par avoir une image d’elles-mêmes très négative et ont du mal à cerner qui elles sont.

Isabelle Hénault, psychologue et sexologue spécialiste de l’autisme

Enfants, leurs difficultés sont généralement moins évidentes et moins «dérangeantes» aux yeux des adultes. «Je passais mon temps à lire, constamment, je ne faisais que ça. Et quand ça n’allait pas, je n’exprimais pas de la colère, mais plutôt de la tristesse», témoigne Valérie Jessica Laporte. 

Les intérêts spéciaux des filles autistes sont aussi souvent moins atypiques que ceux des garçons. Elles s’intéressent, par exemple, aux animaux, comme en témoigne Rachel Fontaine, qui se souvient de son obsession pour les chevaux, puis pour les chiens, qu’elle aimait s’amuser à incarner. 

Autisme et corps féminin  

Comme l’autisme rend difficile la gestion des moments de transition et s’accompagne souvent d’une plus grande sensibilité sensorielle, des expériences comme la puberté, la grossesse, la maternité et la ménopause sont souvent des défis encore plus grands pour les femmes autistes que pour les autres.  

Une réalité dont Valérie Jessica – pour qui les menstruations sont encore un cauchemar – aimerait qu’on parle plus. L’arrivée de son premier enfant, après un accouchement traumatisant, s’accompagne pour elle de souvenirs douloureux, alors qu’elle n’avait pas encore reçu son diagnostic.  

Pour aider le bébé au développement, à la stimulation intellectuelle, ça allait extrêmement bien, mais tout ce qui était physique et affectif, je n’y arrivais pas. Quand j’ai demandé de l’aide, j’ai vite senti qu’on voulait me surveiller plutôt que de m’accompagner. J’avais très peur qu’on envoie la DPJ chez moi.  

Valérie Jessica Laporte

Elle déplore qu’encore aujourd’hui, les femmes, et tout particulièrement les femmes autistes, soient moins prises au sérieux par les médecins que les hommes. «On passe pour capricieuses, hystériques, quand on exprime de l’inconfort. On va dire “celle-là, c’est une princesse”, alors qu’on ne dirait pas ça d’un homme.» 

De plus, les femmes autistes sont plus susceptibles d’être victimes d’abus physiques et sexuels, note Isabelle Hénault, les intentions des autres étant parfois plus dures à décrypter pour elles.

Les choses changent?  

Alors qu’on estimait il y a une décennie qu’il y avait environ une femme autiste pour cinq hommes autistes, on considère aujourd’hui que le ratio est de une pour deux.  

Pour la directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme, Lili Plourde, s’il y a moins de diagnostics chez les femmes, c’est aussi parce que «pour un adulte, il n’existe aucun endroit au public où avoir une évaluation au Québec». Homme ou femme, un adulte aura beaucoup de mal à obtenir un diagnostic, à moins de se tourner vers le privé, ce qui n’est pas à la portée de tous, souligne-t-elle.   

«Certains sont capables de faire des recherches, d’aller chercher un diagnostic pour mieux se comprendre. Mais d’autres, qui vivent déjà de grandes difficultés, n’arrivent pas à avoir un emploi ou une relation et sont en souffrance; ils n’arrivent pas à obtenir un accompagnement», déplore Mme Plourde, qui dénonce un manque de volonté politique.  

Si beaucoup de femmes reçoivent encore un diagnostic après l’âge de 30 ans, observe-t-on tout de même un progrès? L’autisme est-il aujourd’hui repéré plus tôt chez les filles? Oui, répond Isabelle Hénault.  

«On fait beaucoup de formation dans les écoles, dans les CRDI [centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement], on forme les professionnels de la santé et de l’éducation à reconnaître les profils féminins.» Si beaucoup reste à faire, «les jeunes filles et les adolescentes autistes sont de mieux en mieux diagnostiquées», se réjouit-elle.  

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