Voies cyclables et piétonnes: l’ombudsman de Montréal a reçu plus de 300 plaintes
L’ombudsman de Montréal a reçu plus de 300 plaintes au cours des six derniers mois de la part de citoyens qui ont critiqué des voies cyclables et piétonnes mises en place par l’administration de Valérie Plante.
L’ombudsman de Montréal, Nadine Mailloux, rend public aujourd’hui un vaste rapport de plus de 100 pages qui fait suite à une enquête concernant des aménagements urbains réalisés par la Ville et des arrondissements cet été. Ceux-ci comprennent les voies actives sécuritaires (VAS), ces voies cyclables et piétonnes mises en place temporairement cet été dans le contexte de la crise sanitaire. Il est aussi question du Réseau express vélo (REV) et des corridors sanitaires qu’ont mis en place pendant quelques mois divers arrondissements pour faciliter le respect de la distanciation physique sur la voie publique.
«C’est certainement le plus gros dossier en terme de volume de plaintes qu’on a traité à l’ombudsman», confie Mme Mailloux, en entrevue à Métro jeudi.
Plus de 300 plaintes
En tout, l’ombudsman a reçu plus de 300 plaintes depuis la fin mai en lien avec ces aménagements. Une partie d’entre elles ont été écartées. Me Mailloux a néanmoins mené une enquête approfondie sur 240 dossiers. De ce nombre, 121 portent sur les VAS, dont 68 concernant la piste cyclable de l’avenue Christophe-Colomb et 14, la piétonnisation de l’avenue du Mont-Royal.
«On a eu pas mal de plaintes sur les enjeux de sécurité. Par exemple, quand certaines voies cyclables étaient en travaux, les cyclistes y allaient quand même, ce qui créait de la confusion», illustre l’ombudsman de Montréal. La mise en place de sens uniques sur des rues en raison de l’aménagement de pistes cyclables temporaires a aussi complexifié les déplacements des automobilistes.
«On a constaté pendant les travaux d’aménagement que des automobilistes s’engageaient parfois à contresens dans un sens unique», soulève Mme Mailloux. La présence de piétons dans les voies cyclables, notamment lorsqu’ils montent à bord ou descendent d’un autobus de la Société de transport de Montréal, a aussi entraîné des risques de collision avec des cyclistes, souligne l’ombudsman.
Mieux informer les citoyens
Plusieurs plaintes ont aussi porté sur des «lacunes» en matière d’information et de communication de la part de la Ville. À l’avenir, la Ville devra s’assurer de mieux planifier ses projets et de communiquer ses intentions aux citoyens, constate ainsi l’ombudsman.
«L’urgence n’excuse rien», lance à Métro le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez, qui accuse l’administration de Valérie Plante d’avoir fait preuve de «négligence».
«L’opposition réclamait des consultations publiques pour les aménagements d’urgence [les VAS, NDLR]. L’ombudsman reconnaît que ce n’était pas possible», réplique le responsable de la mobilité au comité exécutif, Éric Alan Caldwell. Ce dernier concède toutefois que la Ville aurait pu mieux informer les citoyens sur ces aménagements publics.
«Il faut qu’on améliore nos communications aux citoyens, malgré le contexte d’urgence. C’est quelque chose qu’on reconnaît.» -Éric Alan Caldwell, responsable de la mobilité au comité exécutif
Un projet fortement critiqué
Le rapport fait par ailleurs état de 66 dossiers qui ont fait l’objet d’une enquête en lien avec le REV sur la rue de Bellechasse, dans Rosemont–La Petite-Patrie. Ce projet permanent de piste cyclable a entraîné le retrait de plusieurs centaines de places de stationnement, cet été.
«Si moi, j’étais le maire de Rosemont, M. Croteau, j’y penserais à deux fois avant de continuer à aller de l’avant avec le REV de la rue de Bellechasse», laisse tomber M. Perez.
Par voie de communiqué, la Ville défend pour sa part les efforts faits par l’arrondissement pour limiter les impacts du REV sur le retrait d’espaces de stationnement sur cette rue. Celui-ci a notamment conservé ou déplacé à proximité «l’ensemble des places réservées pour les personnes à mobilité réduite», indique-t-on.
Accessibilité universelle
Au terme de son enquête, l’ombudsman émet une quinzaine de recommandations à la Ville. Nadine Mailloux demande notamment à l’administration municipale de considérer les enjeux d’accessibilité universelle avant de réaliser de tels aménagements, qui peuvent notamment entraîner le retrait de places de stationnement réservées.
Le rapport demande aussi à la Ville de tenir compte des impacts que peuvent avoir les voies cyclables et piétonnes sur l’accès au transport en commun. La VAS de la rue Rachel a notamment entraîné cet été le retrait d’arrêts d’autobus devant un CLSC.
«Pour se rendre aux arrêts d’autobus relocalisés, ou à la rue Rachel, les usagers devaient marcher presque un kilomètre supplémentaire, ce qui posait problème pour les personnes à mobilité réduite et pour l’accessibilité aux institutions médicales», peut-on lire dans le rapport.
Face au mécontentement populaire, la Ville a démantelé ce corridor piéton à la fin juin.
Apprendre des plaintes
Le rapport note aussi l’importance que la Ville considère les impacts de ces aménagements sur la circulation et s’assure ainsi de conserver un axe de circulation nord-sud «suffisamment dégagé pour permettre le maintien adéquat des services d’urgence». Cet été, Urgences-santé a notamment fait part de ses préoccupations concernant la possibilité que les VAS ralentissent ses interventions sur des artères achalandées de la métropole.
«On trouvait qu’il était nécessaire et approprié de faire un rapport qui allait faire œuvre utile», indique Mme Mailloux. Cette dernière souligne d’ailleurs que la Ville a apporté cet été plusieurs correctifs pour répondre à certaines inquiétudes. La Ville a notamment adapté son calendrier de travaux du REV sur la rue Saint-Denis en réponse aux critiques de nombreux commerçants.
«Tel que mentionné à plusieurs reprises dans le rapport, les équipes de la Ville ont travaillé étroitement avec Mme Mailloux afin d’apporter les ajustements nécessaires rapidement et de manière proactive, et continueront d’améliorer leurs pratiques à la lumière des conclusions du rapport», assure le communiqué de la Ville. Celui-ci souligne par ailleurs que l’ombudsman a reçu plus de 80 messages de la part de citoyens satisfaits de ces voies cyclables et piétonnes.