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Mauvaises herbes de Claude Cloutier, le dessin animé de la vieille école

Les deux fleurs carnivores sur une même plante se battent au point de s’autodétruire. Photo: Gracieuseté – ONF

Claude Cloutier, qui réside à Ahuntsic, réalise des films d’animation depuis 35 ans. Il vient de livrer Mauvaises herbes, un court métrage de dessin animé produit par l’Office national du film. Il raconte le combat entre des plantes carnivores qui se métamorphosent. Le film sera présenté en première mondial aux Sommets du cinéma d’animation, à la cinémathèque québécoise. Métro l’a rencontré.

Il n’y a pas de dialogue dans Mauvaises herbes, mais on comprend l’histoire, quelle que soit la langue que l’on parle…

Claude Cloutier: C’est le principe de la fable qui a une morale. Le fait qu’il soit sans paroles rend le film universel. C’est un choix.

[Attention divulgâcheur!] L’histoire, ce sont deux fleurs portées par la même plante qui se détruisent?

Claude Cloutier: Ce sont deux personnages qui symbolisent plusieurs problèmes de l’humanité, ceux de la cohabitation et de la rivalité. Ils se battent pour des mouches, mais les mouches, il y en a sans arrêt. À un moment donné, cela devient de l’orgueil. C’est comme une lutte fratricide. C’est pour symboliser la coexistence. On fait le portrait des humains de cette façon-là. J’ai essayé de passer un message fondamental de la façon la plus simple possible.

Est-ce que tous vos films portent une morale ?

Claude Cloutier: C’est important pour moi qu’il y ait un message. Quelque chose qui fait réfléchir. Je n’ai pas de solutions. Mais c’est le rôle de l’artiste de questionner les gens. Si je peux amuser quelque temps j’aurai réussi mon pari. On peut faire des films rigolos, sans message, c’est correct aussi.

Quand on regarde votre dernier film, on pense au morphing. Est-ce que c’est fait à la main ça aussi ?

Claude Cloutier: C’est un beau défi d’animateurs, les métamorphoses. Quand on fait de l’animation, on détermine deux positions, le départ et l’arrivée. Il faut ensuite faire les intermédiaires sur la table lumineuse. C’est une sorte de morphing d’emblée et cela a toujours été la nature de ce travail-là, mais je dois dire que c’est la partie amusante du travail pour moi.

C’est plus simple de faire cela numériquement.

Claude Cloutier: L’ordinateur pourrait le faire, mais il a un côté très systématique. C’est difficile de lui donner un aspect artistique. La technique que j’utilise évoque la gravure. Faire interpréter ce genre de dessins par un ordinateur, je ne pense pas que ça marcherait.

Est-ce que l’ordinateur est complètement absent de votre travail?

Claude Cloutier: En fait, ce sont des dessins sur papier qui sont numérisés et colorés sur un ordinateur. Mes dessins sont en noir et blanc à la base. On fait des masques pour une petite coloration. C’est le seul traitement numérique qui est fait. Je suis de la vieille école. En fait, je pourrais faire encore des films même s’il n’y avait plus d’ordinateur. Je travaille toujours sur papier avec des instruments mécaniques. Dans mes premières années, j’ai travaillé beaucoup au pinceau, avec de l’encre de Chine. C’est une constante. J’aime bien dessiner sur du papier.

Combien d’images faut-il pour reconstituer une seconde?

Claude Cloutier: Le dénominateur commun c’est 24 images secondes. C’est la vitesse à laquelle le film déroule. Mais moi j’utilise 12 dessins pour reconstituer une seconde. C’est une bonne moyenne.

Et combien de dessins faut-il pour six minutes de film?

Claude Cloutier: C’est 5000 à 6000 dessins qui ne sont pas tous compliqués. Mais il y’en a qui sont plus longs à faire que d’autres.

Cela fait de longues séances de dessin…

Claude Cloutier: J’ai fait ce film en trois ans à peu près.

Depuis 35 ans, vous sortez un film tous les trois ans. On comprend pourquoi!

Claude Cloutier: Il y a des gens qui sont un peu plus rapides. Il y a aussi un temps de latence entre deux films. Il y a la recherche du financement qui est un long processus. Toutefois, à la décharge des films d’animation, je pense que ce sont des œuvres courtes qui demandent du temps pour les faire, mais qui ont une durée de vie assez longue. Ils vieillissent assez bien. Ils peuvent aussi être diffusés en ligne.

Mais à l’ère du numérique, vous semblez être un non-conformiste qui préfère ses crayons et pinceaux à la table graphique.

Claude Cloutier: C’est une bénédiction le numérique. Cela a sauvé cette forme d’art. Il était devenu très difficile de voir ces films, que ce soit à la télévision ou dans les salles de cinéma.

Avez-vous encore des histoires à raconter?

Claude Cloutier: J’adore dessiner. Je dois avouer que parfois c’est difficile de trouver du financement, cependant je n’ai pas le choix. Il y a de l’insécurité dans mon travail, mais c’est un des rares domaines où on peut travailler très longtemps.

Mauvaises herbes sera projeté en première mondiale aux Sommets du cinéma d’animation à la cinémathèque québécoise, les 20 et 23 mai.

 

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