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Laïcité: les juges devraient-ils s’abstenir d’aller aux conférences de Lord Reading?

Cour suprême
La Cour suprême du Canada. Photo: iStock

Après avoir réussi à convaincre l’Association de droit Lord Reading de reporter une de ses conférences, un historien presse les juges de «s’abstenir» de prendre part à ses événements, considérant la participation de l’organisation dans la contestation judiciaire de la Loi sur la laïcité de l’État. Une demande qui ne fait pas l’unanimité.

«Les juges devraient s’abstenir d’aller là», martèle à Métro le professeur d’histoire au Collège Dawson, Frédéric Bastien.

Jeudi, M. Bastien a réussi à faire plier l’association québécoise de juristes juifs Lord Reading. Le 6 février prochain, les juges Russel Brown et Rosalie Abella, de la Cour suprême, devaient prendre part à un souper-conférence payant organisé par l’organisation. L’événement a toutefois été reporté hier après que le professeur ait menacé sur sa page Facebook d’envoyer des plaintes contre les juges en question. 

C’est que l’organisation s’est inscrite comme intervenante dans un dossier judiciaire impliquant la Loi sur la laïcité de l’État, issue du projet de loi 21. Or, après avoir essuyé un revers en Cour d’appel du Québec, des groupes opposés à cette pièce législative ont récemment fait appel au plus haut tribunal du pays pour tenter d’obtenir une suspension immédiate de son application.

«D’après moi, Lord Reading n’aurait pas dû se faire partie intervenante dans cette cause. Ça change complètement le rôle de cette organisation. Ça devient un lobby», estime M. Bastien, qui est intéressé par la chefferie du Parti québécois. Selon lui, les juges qui prennent part aux événements de Lord Reading se retrouvent ainsi en «conflit d’intérêt». 

«Je pense que les questions d’indépendance et d’impartialité commandent un comportement prudent.» -Patrick Taillon, professeur titulaire de la Faculté de droit de l’Université Laval

La laïcité, un dossier «explosif»

Autrefois un forum impartial pour les juristes, la vocation de Lord Reading a pris une nouvelle tournure depuis son implication dans la contestation judiciaire de la Loi 21 sur la laïcité, estime le professeur titulaire de la Faculté de droit de l’Université Laval, Patrick Taillon.

«Ce que l’association Lord Reading a sous-évalué, c’est qu’à partir du moment où ils ont décidé de devenir intervenant dans une cause judiciaire, la situation a changé», a-t-il affirmé à Métro.

Ainsi, compte tenu du caractère «explosif» de cette contestation judiciaire, M. Taillon recommande aux neuf juges de la Cour suprême de s’abstenir de participer aux événements de l’organisation. Les magistrats qui ne risquent pas d’être appelés à se pencher sur ce dossier, comme ceux de la Cour du Québec, n’ont toutefois rien à craindre, selon lui.

«Ça saute aux yeux, cette affaire-là va aller devant la Cour suprême, donc ça nécessite de la prudence», ajoute M. Taillon.

Participation civile

Ce n’est pas la première fois que Frédéric Bastien s’en prend à des juges participant à des événements de Lord Reading. Dans les derniers mois, il a notamment acheminé des plaintes à la juge en chef de la Cour d’appel du Québec, Nicole Duval Hesler, et au juge Nicholas Kasirer, de la Cour suprême.

«Il ne faut pas devenir fous», laisse tomber le docteur en droit de l’Université de Montréal et chroniqueur à Métro, Frédéric Bérard. 

Ce dernier craint que les menaces de M. Bastien n’aient pour effet que des juges cessent d’accorder des conférences. Or, celles-ci, notamment lorsqu’elles ont lieu dans un cadre académique, permettent à la population de mieux comprendre le rôle que jouent les juges dans la société.

«Il ne faut pas créer l’effet pervers de faire en sorte que les juges ne veulent plus sortir de leur bureau. Il faut qu’ils côtoient la société civile», a-t-il dit.

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